Si elle ne m’avait pas proposé de courir un trail nocturne, nous n’en serions pas là, bien sûr. Nous – elle et moi mais d’autres coureurs du club également, une autre fille et un autre gars -, nous venions de courir un trail tout à fait normal, il avait lieu de jour, de nombreux cailloux et quelques dénivelés émaillaient le parcours, et elle en a proposé un autre, mais à moi seulement. A la lecture de ce qui est écrit précédemment, à savoir « un autre gars », on pourrait penser que notre quatuor de coureurs du trail de la Marne en ce joli dimanche du mois d’octobre était composé de deux filles et de deux gars, ce n’est pas du tout le cas, nous étions trois filles, mais sur le moment et jusqu’aujourd’hui, notre groupe a représenté à mes yeux un équilibre parfait. Il faut savoir que le trail est une discipline dans laquelle je n’excelle pas, c’est tout le contraire, la boue m’empêche d’avancer tandis qu’autour de moi tout le monde saute dans les flaques à cœur joie et avance comme un troupeau de joyeux cabris épris de liberté, d’aventure, d’air frais, les cailloux viennent se glisser sous mes chaussures par un fait exprès pour me tordre la cheville, enfin le dénivelé a souvent raison de ma motivation en général déjà bien entamée par la météo. Une fois, c’était un trail accessible en RER et il y avait trois autres gars avec moi ce jour-là, j’en avais tellement marre de cet improbable bourbier dans lequel je m’enfonçais depuis des heures sans que la moindre ligne d’arrivée n’apparaisse ne serait-ce que déguisée en ciel bleu, que je me suis mise à pleurer tout en continuant à m’embourber sans trouver mes appuis ni ma raison dans ce cauchemar dominical alors que le reste du monde fait le marché ou va à la messe, un bénévole m’a demandé si tout allait bien, j’ai prétendu une tendinite au genou en souriant. C’est la douche après le trail que je préfère, cette impression de retirer des couches entières d’agonie avec un sentiment de soulagement bien plus géant qu’après une course sur le bitume. Pour cette raison, j’ai récidivé deux ou trois fois, et pour toutes les raisons précédentes je ne me suis pas inscrite à plus de trails que cela pour privilégier les 10km, ensuite les triathlons longs, d’ailleurs je venais d’achever mon Frenchman une semaine seulement avant la date de la Marne, dans d’autres circonstances j’aurais dû ne m’inscrire plus nulle part pour penser à récupérer. Mais j’ai choisi de m’inscrire à un trail parce que c’est elle qui le proposait en mode détente, j’ai décidé de participer à cette course une semaine après mon dernier triathlon parce qu’enfin je pourrais courir sans pression ni enjeu, au sein d’un groupe, profiter de l’ambiance collective, surtout parce que c’est chez elle que se déroulait l’événement sans savoir qui elle était en vrai, j’avais la garantie de passer une journée détente, la garantie, j’avais furieusement envie de ça. Je me suis levée tôt pour un dimanche, sans objectif de course en tête et ça m’a fait du bien, puis j’ai pris le train que je connais par cœur depuis la Gare de l’Est parce qu’il mène à la base de loisirs pour nager ou encore chez mes parents, cette fois je suis descendue à la station d’après et ça change tout, enfin nous avons couru le trail, et à partir de là les choses se sont précipitées.
C’est très bien, de ne jamais savoir quand tu es ds une narration poétique, voire un poème et une situation. Je lis tes poèmes et je passe à ce txt sur ton trail nocturne et je m’attends à ce que ça génère qq chose qui viendra hors du cadre du texte.
Vas-y!
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Ha oui, il faut de très bonnes chevilles, pour courir ainsi!
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