Les habitudes sont une sale manie, on les acquiert bien trop vite, presque par réflexe, un peu comme si la nature reprenait ses droits sur notre ignorance jusqu’ici de nous-mêmes, une fois installées au mieux on peut les remplacer par d’autres, au pire l’addiction s’installe. Je récidive évidement la semaine suivante en m’offrant un triathlon maison en pleine canicule, je démarre par la natation sachant que ma séance de la veille a été annulée pour raison de « pollution aquatique », rien que l’idée devrait me couper l’envie à jamais de nager. Eh non, un alcoolique boirait dans le verre d’un autre et moi je continue à nager n’importe où. Il est 17h quand je sors du boulot, direction la piscine à laquelle j’accède à la demi, un car entier de gosses m’a semble-t-il précédée, ça grouille et ça chahute à tout va, je soupire fort. La veille, ayant également récidivé cette semaine dans la substitution de ma pause déj’ en séance de natation montre en main, j’ai nagé un kilomètre en moins de vingt minutes, 19’31’’.

Le lendemain, je suis prête à me lancer dans 1500m même si le bassin est très encombré, autant apprendre à nager sur plus lent que moi pour me mettre en situation de triathlon, apprendre à me faire nager dessus surtout par celui qui crée une troisième voie dans la ligne. Les rayons du soleil traversent les baies-vitrées pour plonger dans l’eau, ce qui rend le bassin particulièrement agréable, on pourrait se croire à l’extérieur, sauf l’écho des cris d’enfants. J’alterne crawl et brasse, je double en crawl et je récupère en brasse pour éviter de m’arrêter en fin de ligne, je n’intègre encore aucune culbute par peur de gêner un autre nageur, les derniers 500m sont laborieux, je finis au-delà des 30mn mais ravie d’être allée jusqu’au bout. Je récupère mon vélo pour me rendre au stade, il fait une chaleur cuisante et les automobilistes sont particulièrement nerveux. Au retour, après une heure de gainage et d’étirements à la place du fractionné, je rentre sur un tapis volant tant je me sens détendue. Une dernière séance de natation, celle du vendredi que j’affectionne tellement, et je serai prête pour le triathlon de Paris. Ou plutôt, j’ai préparé mon corps au maximum de ce qu’il peut donner en enchaînant les trois disciplines par une grosse chaleur, au milieu d’une foule dense. J’ai diminué de moitié le volume de course à pied dans mon entraînement hebdomadaire pour insérer les séances natations et initier quelques sorties vélo, peut-être cela va-t-il me permettre de courir mieux si je profite de la puissance acquise lors de pratique des autres disciplines. Toujours est-il que je tiens à présent le crawl sur une distance raisonnable, je peux envisager de m’aligner sur un triathlon M sans trop de crainte, ça tombe bien Chantilly arrive en août. Comme tous les vendredis à la piscine Georges Hermant, je nage seule dans ma ligne de 50m, un luxe auquel rien ne pourrait me faire renoncer sinon de chanter avec la chorale, et encore. C’est la dernière séance, la coach est en maillot deux pièces et s’accorde quelques brasses avec nous, ça sent bon les vacances, je me régale de cette ambiance à deux jours du triathlon. Les premières consignes sont données, échauffement sur 400m puis quatre nage sur plusieurs fois 100m, ensuite je continue à nager crawl et brasse en alternance, la coach me demande si je suis « en roue libre », je lui confirme en mettant les palmes pour finir les 3000m en crawl.

Veille de triathlon, il me reste à récupérer mon dossard et déposer mon vélo dans le parc, j’ai l’impression d’emmener un enfant pour sa première journée de classe, l’abandonner sur place, d’autant que j’arrive parmi les premiers concurrents à l’ouverture du village, il n’y a aucun autre vélo à la ronde lorsque je quitte le village de la course et mon vélo que j’y laisse, seul. Lorsque j’arrive sur le village le lendemain à 7h, des milliers de vélos entourent le mien, le spectacle est impressionnant, je n’ai jamais vécu de parc aussi grand, je prends mes repères pour faciliter le moment de la transition, mes affaires sont prêtes, c’est parti pour le canal. Ma vague de départ est sensée partir après la dernière du format olympique, nous allons être nombreux, très nombreux à nager en même temps du 500m, je ne panique pas encore. Au contraire, je profite du départ de la première vague du M pour observer les premiers nageurs arriver vers nous au bout d’un kilomètre à un rythme très impressionnant, le flot grossit à mesure des départs donnés toutes les 5mn, bientôt on annonce le notre, j’ai hâte de nager. A l’heure prévue, le départ est donné et je m’élance à mon tour dans l’eau du bassin de la Villette qui est à 26 degrés, je nage le crawl sans paniquer, à ma grande surprise j’avance et tout se passe bien sur les 100 premiers mètres, jusqu’au moment de contourner la bouée pour rejoindre les autres nageurs élancés vers la ligne de l’arrivée et là, c’est la bousculade totale. Tout le monde se presse dans une cohue infernale, plus personne ne nage quelque chose qui ressemblerait à du crawl, nous nous débattons pour passer la boue sans que quelqu’un nous passe dessus avant de nous insérer parmi les autres nageurs. Je pratique la lutte aquatique.

Pour sortir du bassin de la Villette, c’est encore la lutte, comme si algues s’amusaient à vouloir nous retenir, pour une fois qu’elles ont de la compagnie dans cette eau semi-croupie. Je passe sous les douches et file en direction du parc, les transitions sont longues car les emplacements très éloignés les uns des autres. Lorsque j’arrive à mon vélo, je ressens une bouffée de soulagement comme en terrain familier, je suis un peu moins seule dans cette folie. Nous sommes à peine sortis du parc à vélo pour rejoindre les bords du canal qu’un premier accident survient, une cycliste a chuté et entraîné avec elle plusieurs autres concurrents, les gens crient tout autour pour nous ralentir et demander une intervention, moment de panique. Je m’arrange avec ma bonne conscience pour m’éloigner au plus vite de cette scène de drame, la cycliste devrait vite se remettre du choc, peut-être même remontera-t-elle sur son vélo, je lui souhaite même de me doubler dans la foulée, pourvu qu’elle ne provoque pas ma chute. Le parcours cycliste nous mène d’Est en Ouest par des rues dont je ne me rendais pas compte à quel point elles étaient mal pavées, par exemple aux abords de Concorde où je manque de finir dans un cratère, je ne peux appeler autrement ce gigantesque trou béant en pleine voie. Les virages sont fréquents et très serrés, là encore j’observe des chutes et je reste prudente. Un jour j’apprendrai à rouler vite, je retournerai au polygone, pour l’instant je me rabats sur la droite et je garde une vitesse de 27km/h avec une pointe à 39km/h lorsque la voie est libre. Paris nous est offert et c’est un réel bonheur, un privilège inédit d’y circuler avec autant de fluidité, sans être arrêté par la circulation ou freiné par les piétons, sinon un gars totalement ivre mort que les pisteurs tentent de courser boulevard Beaumarchais tandis qu’il déambule parmi les cyclistes son dernier verre à la main. Plutôt que de m’en agacer, le spectacle m’amuser, je suis grisée par le trajet et la vitesse lorsque je m’autorise une accélération.

Des trois disciplines, c’est bien le parcours vélo qui me donne envie de tenter le format M bientôt. Nous rentrons trop vite, je manque de tomber au moment de poser pied à tard, un embouteillage s’est formé devant les arbitres, nous sommes très nombreux à arriver en même temps dans l’aire de transition. Une heure plus tard lorsque je me promènerai la médaille au cou un peu partout en attendant la réouverture du parc à vélo, ils arriveront au compte-goutte. Je dépose mon vélo, ma transition est plus courte que jamais, je pose le casque et je pars courir en mettant le dossard à sa place, bien visible devant à l’approche de la sortie du parc. Je n’ai pas forcément envie de courir mais ai-je le choix, les cuisses n’ont pas l’air d’avoir souffert de trop, je pars tranquillement, il fait une chaleur étouffante au bord du canal et je n’ai pas beaucoup bu depuis le départ, une gorgée avant de monter sur le vélo et une après. Je sais que nous rebroussons chemin au bout de 3km, qui me paraissent interminable, ma vitesse est de 4,44km/h, je double moins que d’habitude, pourtant je finis 8e de ma catégorie.

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