Béatrice Adnot. Depuis quand n’avais-je pas prononcé son nom et pourtant je pense à elle chaque fois que je descends dans ma rue et que je lève les yeux vers son balcon. C’était à l’époque où notre petit restaurant italien était un troquet qui n’était même pas devenu encore le Tralali, lieu de convivialité dans tout le quartier, c’était encore La Isla. Les lieux eux aussi traversent des transitions de genre indispensables à leur bien-être, qu’il est passionnant de suivre sur une décennie entière, ce qui était le cas de Béa comme de moi puisque nous étions voisines, nous nous sommes rencontrés dans ce troquet. Tous mes souvenirs de cette époque reviennent lorsque j’évoque sur une idée subite le nom de Béa, j’ai l’impression d’être en train de discuter avec Virginie Despentes et je sais que mon interlocutrice ne peut que connaître ma voisine, de fait elle était sa marraine dans ce monde si spécial de la production de musique, mon intuition était juste. Je suis toute retournée, rencontrer quelqu’un qui a connu Béa, il faut que je la rencontre. On parle bien de la même personnalité extraordinaire, excentrique dans ses habits orange, lunettes vertes et chapeau, touchante au moment de se confier, et très raleuse. J’ai appris son décès le jour où je courrais le marathon de Paris, c’était un dimanche et Reda, le patron du Tralali, m’a appelé, impossible d’envisager son absence dans ma rue. Béa rentrait souvent tard de ses soirées et passait au troquet pour danser les pieds nus avec Annie, la rouquine et la bonde, je me sentais si bien entourée ces soirs de fête, souvent je la croisais aussi qui commentait ses achats ou m’emmenait découvrir un lieu. Lorsque la voix d’une habituée de notre troquet nous insupportait, nous avions la même réaction, il était si facile de rire de tout avec elle, et surtout de soi-même, elle s’en prenait souvent aux autres à qui son style ne plaisait pas, quelque part elle aimait ne pas plaire. Mais pour la plupart des gens, Béa restait la voisine qu’il fallait absolument croiser dans la journée parce qu’elle donnait une pêche incomparable et recevait tout ce qu’on avait sur le cœur et à fleur de peau, une générosité et une humanité qui m’inspirent encore. Incroyable d’avoir cet échange avec cette nouvelle Despentes de quartier qui me raconte le dernier hommage rendue à la productrice à La Timbale, rendez-vous est pris là-bas. Moi qui rêvait de visiter le village de La Goutte d’Or, mon vœu se réalisera peut-être. Toute la journée, je sens la présence de Béa, lorsque ce jour-là le GPS de ma montre se remet miraculeusement à marcher et que je trace à nouveau des cœurs dans le quartier de Clignancourt, ou que j’obtiens en cinq minutes le saint document pour aller nager, j’ai un ange au ciel qui veille sur moi et me rend la vie plus douce en cette journée, un ange qui me conforte joliment dans la direction que prend mon cœur à chaque instant.
C’est très touchant, et du coup cela m’a ramenée en arrière on à tous des étoiles qui brillent dans nos cœurs. Met et bon dimanche
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Beau texte, bel hommage.
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Merci Caroline !
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