Le lendemain, la patronne était bien présente au salon de coiffure, occupée avec sa cliente. Elle m’a dévisagée avec surprise lorsque j’ai franchi le seuil, sans doute n’avait-elle pas reçu l’information de la part de sa collaboratrice qu’une coupe très court se présenterait dans ce lieu de coiffure couvert de photos de dames aux cheveux longs, vernis roses, très maquillées. Et lorsque je lui ai demandé si elle avait un créneau dans la journée, elle ne m’a pas regardée avec terreur mais m’a proposé de passer en fin d’après-midi en me montrant son agenda plein. J’ai trouvé ma coiffeuse seule en train de lire les messages sur son téléphone en fin d’après-midi, je retournais au salon de coiffure pour la troisième fois en deux jours, je redoutais par-dessus tout d’être considérée comme une cliente capricieuse, elle m’a prêté toute son attention et s’est concentrée sur mes attentes sans la moindre affection mais avec un intérêt soudain pour l’idée de couper plus court encore la plus courte des coupes qui ait pénétré son salon. Elle n’a pas eu besoin non plus que je me lance dans une explication démesurée pour comprendre mes desiderata, pire elle s’est servie de sa paire de ciseau uniquement pour avancer dans la coupe, sans toucher à la tondeuse ou au sculpteur, sans aller à la facilité donc. Dans ce salon aux couleurs roses et aux posters datés d’un autre âge et dont les coiffures exposées rappelaient les mauvaises séries des années 80’, je me suis sentie étrangement bien. Non pas que le sentiment d’étrangeté me confortait dans la liberté de ne pas appartenir à la clique des cheveux longs et ongles vernis, je ne jubilais pas non plus à l’idée d’avoir obtenu satisfaction après trois tentatives pour obtenir mon rendez-vous au salon de coiffure, non c’était encore autre chose ou alors, un mélange des deux. Je me sentais simplement acceptée. La coiffeuse s’attelait à me couper les cheveux quand bien même elle ne voyait rien à couper plus court encore, j’étais résolue à m’attendre au pire pour une première, sans inquiétude. Mon sort était ici et maintenant entre les mains de la coiffeuse, mes pensées circulaient librement à mesure que les mèches tombaient sur le sol tandis que je revenais à moi peu à peu. Le fauteuil était confortable, dans lequel j’étais enfoncé comme pour ne plus en bouger, la coiffeuse travaillait avec application et sans chercher à échanger pour me distraire, tant mieux. Je me rendais compte que j’avais passé moins de temps dans mon quartier ces derniers temps, je le découvrais à nouveau, toujours avec le même vif plaisir de vivre dans un si joli village. Machinalement, j’ai tapé un message à l’attention de la grande magicienne pour briser le silence, si elle n’y répondait pas, j’avais peu de chance de la voir avant son départ en voyage. J’ai levé les yeux sur la coiffeuse qui achevait ma coupe, elle a répondu à mon sourire en me demandant si tout allait bien, j’ai vérifié mon reflet dans le miroir, son travail était impeccable et je la sentais elle-même plutôt surprise et satisfaite du résultat, la coupe court m’allait bien. En sortant du salon, j’ai lu la réponse à mon message qui me demandait si j’étais libre le soir.

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