La Belgique, le plat pays du vélo avec ses pistes cyclables à l’infini et ses paysages qui racontent l’authentique tranquillité de la campagne, entre un canal qui nous inspire l’envie de ne plus jamais arrêter de pédaler et des clochers quasiment pointés sur nous. Les champs s’étirent sur des vies entières de labeur et la magie d’une lumière sans cesse en mouvement vient déchirer le ciel pour attirer notre regard sur des tableaux impressionnistes vivants dans lesquels nous évoluons, avides de voir la scène suivante. Les bourrasques de vent qui sifflent à nos oreilles et le soleil qui nous retrouve au virage, et puis le front de mer noir de monde, les terrasses sont pleines, et là je décide de chuter. Depuis le temps que je l’attendais cette fameuse chute, coincée sur mon avion de chasse. Il a fallu que je me familiarise tout un hiver en position aérodynamique sur home-trainer, que j’avale des kilomètres de distance virtuelle avant d’avoir l’occasion enfin de rouler, qui plus est vers la mer un jour de temps idéal et sur une piste sublime du début à la fin, pour arriver heureuse et soulagée à l’entrée du café bruyant et bondé et tomber à l’arrêt. J’ai freiné parce que nous étions arrivées et attendues, je voulais débarquer avec énergie et en mettre plein la vue après ces premiers vingt kilomètres d’un tracé plus que parfait, et j’ai freiné si brusquement que j’en ai oublié de déverrouiller mon pied de la pédale. Les secondes avant la chute m’ont paru interminables, à croire que j’avais encore le temps de choisir sur quelle partie de mon corps je pouvais m’affaler sans trop me blesser. J’ai poussé un cri, des fois qu’un ou deux spectateurs dispersés auraient pu me louper, l’instant d’après j’étais par terre et entourée de gens très sympathiques et avenants qu’il m’a fallu rassurer parce que vraiment je ne m’étais pas fait mal, et je me suis mise à rire, mais à rire tellement, un fou-rire nerveux m’a saisie alors que j’osais entrer dans le café. Voilà, non seulement je sais tomber mais surtout je sais que je le sais et plus important, le plaisir a fini par l’emporter sur la peur à l’idée de rouler sur ce vélo léger comme une plume et nerveux à souhait, j’ai l’impression de ressentir l’enthousiasme de mon bolide. Le même enthousiasme que j’ai partagé la veille à sauter à deux dans les vagues de la mer du Nord par 9°, deux folles dévisagées par les badauds, la joie de danser à nouveau, m’assoir à une grande tablée festive et rire à gorge déployée, si légère et très amoureuse. Cet enthousiasme que je retrouve dans la solitude d’un matin à courir sur un sentier découvert en face de la maison et qui s’étire en ligne droite sur des kilomètres entiers sans rencontrer la moindre voiture ni le moindre piéton, juste ma foulée et les clochers dans les villages voisines comme points de repère de ma sortie que j’aimerais éternelle.

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