Il faut plus d’une fois inventer un chez nous #111

voici la toile t’offrant son large 
prends-le comme un décolleté
sans laisser sombrer ton regard
l’espace afflue dans un grand blanc 
qui ne dit pas sa profondeur 
là où tu iras seule chercher
le ras de marée qui tempête
à la surface de ta main
c’est une déferlante de fleurs
qui te surprend par ses couleurs
comme un chez nous réinventé
aussi vrai que l’est une saison

Photo : Gustav Klimt, « Jardin italien”, 1913.

Il faut plus d’une fois savourer les beaux mois #110

l’oiseau de printemps piaille l’éveil tout excité
sous la lumière un peuplier se croit palmier
il ploie d’abord puis se dresse dans un doux délire
quelque chose est en train de chanter dans le vent 
c’est le bonheur que l’on distribue couleur vert
il est temps d’accueillir tout ce temps retrouvé
la chaleur de nos mains sur le tambour du cœur
le sourire infini d’horizons amoureux

Photo : Paul Signac, « Arbres en fleurs », 1896.

Il faut plus d’une fois pour lever le rideau #108

le fil de l’indicible a tissé dans la nuit des liens 
à même le rêve un chef d’œuvre au réveil 
les images me traversent 
sans ouvrir la fenêtre 
un voyage s’organise depuis l’ultime pensée
au moment de dormir mon sourire répondait 
au tien et ta présence veillait sur mon sommeil 
les reliefs oniriques 
impriment sur l’oreiller 
la force du désir comme pour me faire parler

Photo : Pablo Picasso, « Atelier aux palmiers », 1959.

Il faut plus d’une fois vivre en simultané #107

la vie est cette patineuse 
je la suis de près enfiévrée 
elle s’élance et s’entête 
son langage est céleste
je marche en parlant aux nuages
ils la parfument sur son passage
j’ai beau serrer le poing
elle caresse ma main
j’en appelle aux airs romantiques
d’un réverbère rose anonyme
il n’a pas vu la vie
mais simule sa lumière
le rideau qui se lève alors 
me révèle en rêve ce chef d’œuvre
tu existes en vrai
ton sourire m’apparaît

Photo : Enrico Prampolini, « Autoportrait simultané », 1923.

Il faut plus d’une fois commencer par les mains #106

quand je pose les mains là pour danser à ton rythme l’univers tout entier s’accroche autour de moi 
et le miel qui envoute en secret notre instant coule au fond de l’iris se récolte à tes lèvres
se répand en douceur jusqu’au bout de mes doigts inspire chacun des gestes pour construire au présent  

Photo : Egon Schiele, « Autoportrait aux mains sur la poitrine », 1910.

Il faut plus d’une fois habiter le bonheur #105

trois nuages plus loin nous voilà rapprochées   
sans vitesse moins pressées 
qu’une orange au soleil
le temps nous a saisies en pleine composition 
d’un souhait une exception
la parenthèse ouverte
dans la maison sans mur ni porte ou fenêtre
la terre pour y danser 
pour te rejoindre un ciel
dont la clé est cachée derrière nos paupières
en rêve je fais le vœu
deviné dans tes yeux

Photo : Aki Kuroda, “Happy Boy”, 2019.

Il faut plus d’une fois pour partir de là-bas #104

le rire ruisselle sur nos vies sages 
et l’envie qui nous dévisage
précipite la pluie du désir
et tu es là 
si rayonnante 
que la vie même 
s’étonne en toi
divine la pelote du temps 
détricote en nous tous les fils
d’actes si peu manqués et toi
tu fais comme ça 
ton grand sourire
tête en arrière 
mes yeux soupirent
pour nous habiller de confiance
le sens dessus lapsus dessous
il fallait perdre les aiguilles
toi tu sais ça 
le bleu des yeux
brille sur tes lèvres
et ma langue fourche

Photo : Liverpool from her window.