Sur la plage de Sylt, à l’extrémité Nord de l’Allemagne, au bord de la mer Baltique dont les vagues voulaient lécher mes pieds, j’ai écrit son nom, les quelques coquillages témoigneront.
Nous sommes arrivés sur l’île par le ferry de 14h31, le ciel restait fermé et cela faisait deux jours que nous n’avions pas vu le soleil. Pourtant, il continuait de battre fort dans mon cœur. Lorsque nous sommes arrivés, mes deux collègues américains et moi-même, au Landhaus Stricker pour notre deuxième journée déjà d’escapade au pays des Vikings, nous sommes entrés par la porte du restaurant au lieu d’accéder directement par l’hôtel. C’est la femme du Chef qui nous a accueillis, ce fameux personnage dont nous n’avons ensuite cessé d’entendre parler jusqu’à notre rencontre avec lui le soi-même. Mais il fallait que sa réputation et son aura soient annoncés au préalable pour apprécier son talent, sa femme d’abord qui ne parle pas anglais et nous annonce que son époux souhaite nous honorer d’une visite de « son île » le lendemain matin – je ne lui en tiens pas rigueur, j’ai moi aussi « mon île » sur cette planète -, seulement la visite n’est pas incluse au programme et cela risque de chambouler nos plans.
En attendant, Mr Bodendorf, toujours lui, nous a préparé quelque chose à grignoter, il a deviné que nous n’avions pas prévu de déjeuner sur la route, l’attention fait plaisir, nous acceptons tout avec bon cœur, la coupe de Champagne, les verrines, la visite de l’île le lendemain aussi. Je suis en Allemagne, retour à mes origines, jamais encore je ne suis montée autant au Nord. Sur la route, j’ai vu le nom de Greifswald s’afficher sur les panneaux directionnels, souvenirs. J’avais dix-huit ans et je suis partie en université d’été suivre des cours destinés aux germanophones à Greifswald, notamment pour découvrir l’ancienne Allemagne de l’Est. Andrea. La rencontre avec ma colocataire dans ces chambrées d’un autre temps, elle vient de Bulgarie, se destine également à enseigner l’allemand, une passion aussi pour les cornichons. Nos fous-rires, nos échanges jusqu’à pas d’heure, notre passion pour la langue allemande, notre curiosité pour la culture de l’autre, la découverte de l’altérité, cette attirance, l’inconnu. Je ne savais pas encore ce qu’il y avait à espérer, je ne connaissais pas ces possibilités libératrices de vivre l’attirance pour le même sexe, j’étais en deçà de la prise de conscience. Pour autant, j’ai incité mes parents à pousser notre route de vacances en Autriche jusqu’à Budapest pour poster la lettre que j’avais écrit à Andrea, je me rappelle l’émotion arrivée devant chez elle, au moment de laisser ma missive dans sa boîte aux lettres, en son absence. Quelle est cette folie qui me pousse à coucher par écrit mes sentiments et les envoyer à quelqu’un dont je ne sais pas, sinon une prime affinité, si cette personne ressent ça pour moi. Et quel est ce réflexe qui est le mien lors de la visite improvisée de l’île de Sylt d’écrire un prénom dans le sable et de l’envoyer à celle qui hante mon esprit, sinon lui déclarer les sentiments qui occupent mon cœur tandis que nous prenons du retard sur le programme prévu.