Souvent, trop souvent j’ai fait semblant d’être amoureuse, simplement parce que j’avais envie de l’être et pensais le devenir, tomber sous le charme, en adorant l’idée d’aimer. Plus rarement me suis-je sentie libre et attachée à la fois, capable d’aimer, d’être âme heureuse. Mon rêve de l’autre nuit me revient par bribes et je vais à sa recherche comme d’une paire de lunettes, en tâtonnant, en me demandant si je suis bien à l’origine de tout cela. Nous marchons jusqu’au prochain carrefour puis obliquons sur la gauche, je dis « PNL, dernier virage », nous entrons dans un immeuble et pénétrons dans un appartement sombre, humide et froid, lugubre, si je devais le colorer ce serait violet taciturne tel un réel enterrement. Un bonhomme dont la tête se distingue à peine du tronc, emmailloté dans un chandail comme on en porte plus de nos jours, nous prie de nous assoir sur un canapé délabré, Dieu que l’heure semble grave et les affaires sérieuses, le ton est protocolaire. Un verre d’eau nous est offert, j’aurais préféré de l’eau gazeuse. La pièce sent le chien mouillé et le tabac froid, la mort aussi. Le bonhomme qui nous fait face depuis le fond de son fauteuil nous donne certaines consignes, je redoute que le canapé sur lequel je tente de me stabiliser ne parte en lambeaux avant que la logorrhée ne prenne fin, qui plus est je dois réprimer un fou rire car tout cela ne rime à rien. Une clé est posée sur la table et à notre attention, une clé qui ne ressemble à rien elle non plus, et qui doit ouvrir une boîte aux lettres plus bas dans la rue, dans laquelle nous trouverons des effets personnels qu’il nous faudra jeter dans la première poubelle venue, en voilà une drôle d’idée. Je ne bronche toujours pas. Je me demande comment la grande magicienne parvient à tenir parfaitement assise tout en gardant un air sérieux, à moins que le spectacle ne la laisse perplexe sans qu’il n’y paraisse. Au moment de se lever et de prendre enfin congé de nous, le bonhomme fait un mouvement du bassin vers l’arrière pour nous céder le passage, de la perspective d’oiseau on croirait voir un gros pouf, un sourire s’esquisse sur les lèvres de la grande magicienne mais je fais celle qui n’y voit rien. Nous retrouvons l’air libre et la lumière du jour me paraît aveuglante tant l’obscurité était inquiétante quelques instants plus tôt, je me réjouis de sentir la chaleur du soleil me caresser comme pour m’imprégner de son odeur après m’avoir perdue de vue sans que je ne crie gare. Je me sens si soulagée à cet instant que j’aimerais partager ma joie avec la grande magicienne et trouver quelque chose d’intelligent à dire mais j’en suis encore à la chercher des yeux, aveuglée que je suis par le soleil dont je sens battre le centre comme si j’en avais avalé un rayon, et au moment où je veux demander à la grande magicienne s’il lui arrive la même chose que moi, à savoir de vivre une certaine forme d’intimité avec le soleil devenu si proche, mais je me rends compte que je m’adresse directement à l’astre lui-même qui a pris le visage de cette lumière que j’ai tant plaisir à capter jusqu’au plus profond de mon être, corps et âme.

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