Il faut plus d’une fois pour caresser le temps #120

ta pensée se renouvelle 
à l’aspiration des voyelles 
ouvrant les volets émerveillés
et le matin envie le sourire sur ta peau 
les prodiges de l’audace ont rougi le teint 
dont tu aurais préféré ne pas trahir le fond 
que je suis allée cueillir au gré des caresses

Photo : Joan Miro, « Portrait de Juanita Obrador », 1918.

Il faut plus d’une fois pour chanter le bonheur #119

je suis partie en fleurs au premier regard 
comme un coup de cœur par ton œil rieur
à peine ai-je eu le temps 
de trouver la branche
de t’épier un peu 
de te voir de loin
tu venais te poser sur la même que moi
sans provocation mais si près déjà
tes couleurs dans mon cœur
faire un vrai malheur
ton île sous la pluie
me faire presque envie
je sais quand tu souris l’oiseau me le dit
qui à ma fenêtre attend le matin
le récit de mon rêve 
pour venir à toi
moineau de bonheur
te confier tout ça

Photo : Vincent Van Gogh, « Branche d’amandier en fleurs », 1888.

Il faut plus d’une fois pour être à la hauteur #117

la branche de l’amandier en fleurs se penche sur le printemps 
et balaie les marrons de l’année 
se dégage l’allée 
des envolées silencieuses le matin du bout des lèvres 
vers la gaieté dans ce regard là
je lève aux yeux ton ciel 
traversé par la comète de mon élan débordant 
à la hauteur de ton lent sommeil
pour souffler le beau temps 

Photo : Paul Cézanne, « L’allée du mas de Jas de Bouffan », 1870.

Il faut plus d’une fois apaiser l’impatience #116

j’ai pour ta tendresse cette inquiétude
sans rien attendre en particulier
j’aimerais que jamais elle ne cesse 
et qu’en notre saison où fleurissent 
les rêves dans nos discussions sopranes
cousues de ce fil intarissable 
elle ne te distrait de ces nuages 
ceux là triés pour nous faire passer
de l’effervescence surprise elle-même
à l’instant du point d’orgue apaisé

Photo : Claude Monet, « Le printemps », 1886. 

Il faut plus d’une fois pour quitter l’Amérique #115

quitter l’Amérique 
pour découvrir plus sauvage
continent caressé par ta docilité
embrasser Paris 
colonisé par ton corps
devenir muse le jour maîtresse la nuit aussi
les images fusent folles
et tu deviens celle-là
dont tu jouais le rôle c’est dans l’esprit du temps
ton nom fait carrière
qui enflamme de ton ardeur
notre route élargie par la grâce d’un moment

Photo : Arnold Genthe, « Portrait de Lee Miller », 1927.

Il faut plus d’une fois forcer l’intensité #114

comment as-tu pu me trouver de toi je me suis tant méfiée t’imaginant même loin déjà
dans la solitude de l’été les volets fermés de l’hiver
je t’ai inventé la faiblesse 
de ne pas tenir tes promesses
j’ai porté seule la saison basse trouvé la force de récolter les souvenirs qu’en pleine tempête 
ta puissance m’avait inspirés l’électricité j’ai gardé 
comme le courant d’une rivière 
elle coule en moi c’est une vipère
te revoilà presque surprise de me trouver debout encore plus grande sans toi et sans tension
déterminée à faire durer l'amour dans la simplicité
j’ai construit ma folie ici
sans toi intensité merci

Photo : Asgor Jorn, “Green Ballet”, 1960.

Il faut plus d’une fois agrandir la rivière #113

au début filet si menu 
j’ai à peine vu 
la vie jaillir de cette source discrète et claire 
elle m’a parlé de l’invisible 
je l’ai suivie 
comme on le fait quand on doit être interrogé 
mes mots ont ricoché sur l’eau 
des vaguelettes 
trop vives pour deviner dans mes aveux ce qui
a soudain créé la rivière
elle a gonflé
comme un cœur prêt à exploser que j’ai serré
dans mes bras devenus plus forts
ragaillardie
j’ai repris la marche vers le fleuve on dit que lui
ne se laisse pas intimider
moi je souris

Photo : Peter Doig, « Grande rivière », 2002.

Il faut plus d’une fois pour t’ouvrir le chemin #112

je rêve de juin brûlant l’élan enflamme la main 
je t’ouvre la porte d’un lendemain impatient
tu incendies les secondes de ton camaïeux 
d’idées furieuses c’est ton rire son rythme m’inspire 
quelle étonnante vitalité nous fait danser 
depuis que ton regard par un soir de hasard
a embrasé dans mon quartier tout ce silence 
qui te savait tout près et déjà fou de toi

Photo : David Hockney, “Early June tunnel”, 2006.

Il faut plus d’une fois inventer un chez nous #111

voici la toile t’offrant son large 
prends-le comme un décolleté
sans laisser sombrer ton regard
l’espace afflue dans un grand blanc 
qui ne dit pas sa profondeur 
là où tu iras seule chercher
le ras de marée qui tempête
à la surface de ta main
c’est une déferlante de fleurs
qui te surprend par ses couleurs
comme un chez nous réinventé
aussi vrai que l’est une saison

Photo : Gustav Klimt, « Jardin italien”, 1913.