La Saint Artiste fut le prétexte idéal pour chercher le lieu de mon premier rendez-vous. Le moment était venu de reprendre la main sur le travail du temps qui avait fait le gros œuvre, grâce à lui quelques occasions m’avaient été offertes pour rencontrer la grande magicienne, apprendre à la connaître un peu plus et à présent, mieux savoir comment m’approcher d’elle. Après tout, je m’adressais à une Artiste, elle n’avait pas son pareil pour me faire rire et rêver. Restait à trouver ma propre légitimité pour lui proposer de passer une soirée entière avec moi, étant donné que la première l’avait été à son initiative, je m’étais à peine encore remise de la surprise qu’avait provoqué sur moi son invitation, un événement qui pouvait aussi bien relever d’un malentendu sur ses intentions, sans doute n’en avait-elle alors d’aucune sorte, d’une fâcheuse incompréhension si par malheur j’avais cru qu’elle s’intéressait un peu à moi. Rien de tel, me disais-je, qu’un lieu dont le nom comporte « Artiste » pour qu’elle se sente comprise, encore une projection de ma part pour tout avouer, à mon sens il y a dans l’idée d’être compris l’image d’être pris dans des bras bienveillants, et dans celui de comprendre quelqu’un, l’envie de l’envelopper et l’entourer d’amour, comme une promesse de bonheur, rien que ça. Il faut que j’avoue autre chose, je ne pensais qu’à ça, oui partout et tout le temps. Je suis arrivée en avance mais pas trop, j’ai commandé une grande bière, j’en ai bu un peu, bref rien d’artistique dans mon attitude ce jour de la fête des artistes. En revanche, je me suis passionnée pour le spectacle donné par les passants, devant moi défilaient les plus beaux sourires pour moquer mon air niais, un ballon rouge a traversé la terrasse où j’étais posée et j’y suis allée de mon élan pour l’attraper avant qu’il ne s’échappe dans les airs, les gens tenaient leur baguette comme pour imiter les majorettes et les klaxons composaient une musique de fanfare pour accompagner ce ballet extraordinaire, je me sentais le cœur léger, heureuse. Au moment où je l’ai aperçue à quelques mètres de la terrasse, les figurants sont retournés vaquer à leurs occupations ou sont rentrés chez eux après s’être écartés sur son passage de sorte à lui créer une haie d’honneur jusqu’à ma table, j’étais au comble de la joie. Je ne voyais plus qu’elle et mon sourire m’a trahie sur place. Plus ambiguïté possible alors.  Elle portait une chemise manches courtes couleur savane qui lui donnait un air d’exploratrice, ses cheveux étaient libérés, un brin sauvages, son sourire exprimait détente et détachement.  Un autre artiste m’a expliqué un jour que le véritable amour se reconnaît à trois ingrédients, très simples, et que l’on rencontre souvent séparément chez quelqu’un, à savoir l’empathie, l’admiration et la sexualité. Concernant ces deux derniers éléments, on peut leur reprocher de se substituer par défaut à l’amour, trop froid et platonique pour le premier, explosif et peu sentimental pour le second. Pour ma part, je rêvais les yeux grands ouverts, je riais sans qu’il y ait besoin d’expliciter quoi que ce soit, et je jouissais de l’instant présent et de sa présence.

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