Quand on aime, on ne compte pas, quand on est amateur, on ne fait que ça, pour que ça compte. L’idée d’ouvrir le marathon des Jeux Olympiques de Paris en 2024 au grand public est de rendre accessible aux amateurs de course à pied une épreuve réservée jusqu’ici aux professionnels. Les confinements ont accéléré encore un peu plus l’engouement pour la course à pied en autorisant de manière cadrée les sorties pour favoriser une pratique sportive plus que conseillée, tout le monde ou presque s’est mis à exploiter le kilomètre carré autour de son pâté de maison. On a commencé à compter pour faire les choses dans les règles et ne surtout pas se faire prendre, pour continuer à courir dans les meilleures conditions étant donné un contexte de crise sanitaire plus que compliqué, mal expliqué encore, on a compté la distance, calculé le temps, les progrès, quand j’ai commencé à courir, je comptais les tours de stade pour savoir la distance, 33 tours. J’ai continué à courir en calculant la distance entre chacun des trois stades situés à équidistance de chez moi pour pouvoir faire une boucle de plus en plus large et ainsi travailler l’endurance, j’ai calculé ma VMA, nous avons tous compté la distance que nous parcourons en six minutes, j’ai compté le temps que je pouvais consacrer à la course à pied du lever jusqu’au coucher, j’ai décompté les jours jusqu’à la prochaine échéance pour mettre en place un plan d’entraînement. Plus je comptais, plus j’aimais compter, prendre en compte les progrès et retenir les dates clés significatives parce qu’un cap avait été passé ou simplement parce que les sensations étaient au rendez-vous plus que jamais, aussi parce que la boucle ce jour-là était parfaitement tracée, finalement tout devenait objet de calcul pour l’amatrice que j’étais puisque j’y mettais du sens, les boucles devenaient des courbes et les courbes traçaient une marge de progression à venir, des horizons entiers de possibles à venir se dessinaient sous mes semelles et au fil de la passion. Apprendre à compter pour prendre soin et aimer mieux que jamais ce qui compte réellement, ceux qui comptent dans une réalité où nous avons intérêt à produire, créer plus qu’à consommer, où il va falloir plus qu’hier encore m’ouvrir à l’autre pour aller plus loin, renverser la tendance. A force d’avoir beaucoup rencontré sans m’investir, j’ai trouvé dans la solitude ma zone de confort depuis cet hiver 95 où je me suis enfermée à Köln loin de tout, loin de tous, et par peur, une peur panique de n’être pas à la hauteur d’une chose que je n’arrivais pas à définir – la vie, cette chose terrifiante qui fait peser sur chaque mot, chaque acte, le poids des responsabilités. Nous sommes tous aujourd’hui et à l’issue de cette crise dont nous ne connaissons pas encore véritablement ni les impacts ni l’issue, tous des privilégiés, délivrés d’un sas imposé et arrivés sur une ligne d’arrivée avec l’objectif au bout de faire quelque chose de cette situation nouvelle, quelque chose qui nous ferait évoluer vers une meilleure partie de nous-même, plus consciente, dans un monde lui aussi moins pire que toutes les perspectives alarmantes que nous entendons. Nous avons tous un marathon à courir dont la ligne d’arrivée ne peut être franchie qu’ensemble.

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2 réflexions sur “Comment je ne suis pas (encore) devenue championne olympique de marathon #5

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