Troisième et dernier triathlon L de la saison, je suis finisher du Frenchman à Hourtin sous les 6h après 1900m de natation dans le lac, 91km de vélo dans le Médoc, un semi. J’avais rêvé d’un sub-6h aux Sables il y a trois mois, je le réalise en toute fin de saison. La veille du départ, je perds à nouveau l’équilibre comme à Tinos, et je m’écorche l’autre genou, chou pou hibou caillou je ne tiens pas debout et je vise la ligne d’arrivée ? Ces chutes m’interpellent parce que mon corps me parle d’une fragilité que j’entends, jamais je ne suis encore tombée de la sorte et c’est mon moral qui prend un sacré coup, quelque chose semble mal ajusté et me retourne l’estomac, je me relève mais je retiens. Le matin de la compétition, il pleut des cordes, que dis-je il tombe un rideau de pluie depuis une éternité dirait-on, tant le bruit de l’averse paraît installé sans que rien ne puisse altérer le cours de cette intempérie prévisible après ces quelques jours d’accalmie, les distances M et XL qui ont eu lieu les jours précédents ont échappé à cela, pas nous. Le départ est donné à 11h et je m’élance parmi les premiers sas alors que j’aurais pu patienter en laissant les machines de guerre parader jusqu’au premier virage que je ne distingue pas encore, je ne trouve pas mon souffle et je n’en suis pas surprise, je galère. Je ne suis pas non plus surprise lorsque nous avons à nouveau pied et qu’il n’y a plus d’autre solution que de marcher, comme lors de l’épreuve de Bois-le-Roi, cette fois le sol est sablonneux et je ne me coupe pas le pied, je ne suis pas surprise non plus par les vagues car au point où nous en somme d’une terrible intempérie, une vague de plus… Lorsque je sors de l’eau, la pluie a cessé et je sais que la prochaine fois que j’enfilerai cette combinaison, j’aurais progressé en eau vive, c’est une promesse que je me fais. Tous les autres cyclistes sont équipés en imperméable ou coupe-vent, pas moi et je peine à sécher sur le vélo, j’ai très froid et envie d’en finir, mais surtout pas d’abandonner car je sais qu’en une heure de temps, tout peut encore changer, mon humeur et la météo. C’était sans compter le lever imprévu du soleil au bout de trente kilomètres, le ciel se dégage et vire au bleu alors que je l’ai connu gris depuis mon arrivée dans le Médoc, aucun autre cycliste à l’horizon, je retrouve espoir et je ne suis pas au bout de mes joies. Le parcours évolue parmi les pinèdes et l’odeur de pin me galvanise, je ris toute seule quand d’un coup le paysage s’élargit et laisse apparaitre l’océan, juste en face de moi. La météo était si défavorable que je n’avais pas pris le temps de visualiser le parcours, qui longe à présent la côte Atlantique sur plusieurs centaines de mètres, les vagues sont plus déchaînées qu’une foule en délire, j’ai le cœur qui bat vite et je retiens mon souffle. Je visualise ma course à pied pendant le trajet vélo, j’ai hâte d’en découdre avec le semi. Tous ou presque sont déjà en train de courir lorsque j’arrive au parc à vélo, c’est en tout cas l’impression que j’ai et il me faudra un certain courage pour ne pas partir défaitiste. La première boucle me permet de retrouver les autres concurrents, un cycliste d’Afrique du Sud notamment, que j’ai salué sur son vélo, le public est quasi partout pour encourager les coureurs, personne ne lâche rien, j’aimerais être dans ma seconde boucle. C’est bien simple, je ne fais que penser à mes entraînements à venir en natation et en vélo pour ne pas partir en négative split sur les deux premiers efforts et pouvoir amorcer la course à pied en même temps que tout le monde, en attendant je double et je redouble. Les premiers coureurs commencent à décrocher sur la seconde boucle et je continue à avancer sans m’arrêter aux ravitaillements, j’ai bu toute ma gourde et je n’ai pas pu la jeter avant de repartir, elle m’accompagne donc sur tout le parcours jusqu’à l’arrivée. Au dix-huitième kilomètre, je regarde ma montre pour la première fois, j’ai bien vu que tous les coureurs contrôlaient leur vitesse très régulièrement pour garder un bon rythme, la possibilité d’arriver sous les six heures existe belle et bien, il faut que je m’accroche. Au Half-Ironman des Sables, ma montre était tombée en rade au onzième kilomètre et mon moral avec, je m’étais alors arrêtée aux ravitaillements, j’avais regardé la mer et repris mon souffle sans savoir que j’aurais pu être sous les six heures à dix minutes près. Au triaLong de Bois-le-Roi, il n’y avait pas de public du tout sur le parcours de la course à pied qui s’apparentait davantage à un trail, Nath m’avait trouvée à la fin de la première boucle, je lui avais donné ma gourde qu’elle avait même pris soin de remplir à nouveau, je m’étais arrêtée pour parler avec les bénévoles et les autres coureurs en fin de parcours. Au dix-huitième kilomètre du Frenchman, le public s’est éclipsé et les bénévoles se lâchent, j’encourage tous les coureurs que je croise pour m’encourager moi-même, jamais je n’ai été aussi près de la ligne d’arrivée, je ne dois rien lâcher, bravo c’est fou. J’arrive sur l’aire du village de la course et l’ambiance bat son plein, tout le monde s’est retrouvé et j’aborde mon dix-neuvième kilomètre comme si je faisais un aller-retour vers le stade le plus proche de mon quartier, je visualise ces deux derniers kilomètres. J’arrive au vingtième kilomètre quasiment devant le photographe et je le félicite pour son endurance, le pauvre est allongé dans la même position depuis plus de deux heures. Il ne me reste même pas un kilomètre à courir et je franchirai l’arche du Frenchman, c’est à peine croyable et pourtant je suis parvenue au bout de ce troisième triathlon L. Personne devant, personne derrière, je foule le tapis bleu en souriant, je suis sous les 6h.

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