Il y a un an, jour pour jour, je me levais à 4h du matin, non pas pour me préparer à courir ou m’aligner sur un triathlon, mais pour être bénévole sur les formats S et M des Gay Games sur la base de loisir de Vaires-sur-Marne, l’occasion aussi de tester les équipements en construction pour les Jeux Olympiques de 2014. J’étais en vacances toute la semaine pour profiter des compétitions, soutenir les athlètes et profiter des soirées, quoique profiter. J’attendais surtout mon tour pour entrer dans le vif du sujet, je ne courrais le marathon que le samedi suivant, le jour de clôture des festivités. La samedi précédent, veille du triathlon et de mon réveil aux aurores, la cérémonie d’ouverture fut un fiasco total, auquel j’ai d’ailleurs décidé de ne pas assister. J’avais suffisamment patienter dans une chaleur cuisante devant le stade et avant de défiler avec l’équipe de France. Il faisait toujours aussi chaud le lendemain, j’aurais donné n’importe quoi pour plonger moi aussi dans le lac de Vaires dont l’eau était à 26 degrés. Pourtant, à aucun moment je ne me suis projetée à la place de l’un des athlètes en course, je ne me sentais pas à la hauteur du tout pour enchaîner trois disciplines sur quelque format que ce soit. D’ailleurs, je ne me sentais même pas en forme pour courir un marathon dans sept jours.

J’étais sensée être pisteur sur le parcours de vélo, mais nous étions suffisamment de bénévoles présents pour se permettre de circuler sur les différentes épreuves. Le vélo ne m’intéressait pas du tout, le cyclisme étant la partie essentielle du triathlon je ne me doutais pas encore à quel point déjà je partais handicapée. J’avais envie de voir les nageurs se mettre à l’eau et arriver à bout d’un tracé balisé par deux bouées. Les niveaux et les gabarits étaient très inégaux, en particulier sur le format S. Certains se jetaient à l’eau comme s’il y avait le feu, d’autres exécutaient un sublime plongeon sensé rester dans les anales de l’épreuve, d’autres encore se mettaient à l’eau le plus tranquillement possible et après avoir vérifié la température, mouillé la nuque et les bras avant de plonger tout le corps dans un cri de détresse. Je me demandais quelle aurait été ma version de mise à l’eau, je me voyais plonger, dans les faits j’aurais sauté le plus loin possible avec pour priorité de ne pas perdre mes lunettes et la prochaine bouée de vue. Mais cela, je ne pouvais pas encore le savoir, simplement j’étais fascinée par le spectacle.

Je me positionnée sur le ravitaillement en eau à la sortie de l’eau en me demandant à quoi bon servir encore plus d’eau à ceux qui sortaient trempés de la première discipline. Un an après, je suis la première à me ruer sur la première gorgée d’eau fraîche pour hydrater ma bouche séchée par le stress et l’effort de la nage dans une eau plus que tiède, la plupart des athlètes se versaient le premier verre entier sur la tête pour se rafraîchir avant les kilomètres de vélo sur le bitume brûlant. L’épreuve de natation sur le format M m’a ensuite parue interminable, je me suis demandée si je ne me serais pas noyée. Aujourd’hui je parcours 1500m en crawl sans envisager la noyade un seul instant. J’ai entendu dans mon dos le public ovationner les cyclistes sur un parcours constitué de boucles à l’infini, à aucun moment je ne me suis sentie concernée par ce niveau de cyclisme là. Les muscles étaient visibles, saillants et l’effort se lisait sur tous les visages.

Dans le parc vélo où je suis allée cherché un peu d’ombre sans en trouver ne serait-ce quel’espoir, j’ai suivi les transitions vers la course à pied, il était midi et le soleil dardait de tout feu, impitoyable. Je me suis vue m’évanouir en descendant de vélo, là où tous les athlètes s’élançaient sur 10km. Cela me paraissait ir-ré-a-li-sable, je me sentais épuisée. De fait, je l’étais. J’avais couru plus qu’il ne fallait pour préparer le marathon, et en même temps pas assez non plus, le stress se mêlait à un relâchement total de tout mon corps. Les premiers athlètes ont commencé à franchir la ligne d’arrivée, fourbus et haletants, trempés d’effort et cramés par le soleil, rien à voir avec l’arrivée d’un marathon où les coureurs ont encore une apparence somme toute à peu près humaine. Ici, j’avais l’impression de voir des héros franchir la ligne finale après avoir affronté les pires travaux que les Dieux aient ordonné aux humains d’accomplir, leur fatigue même témoignait de quelque chose de surhumain, ils avaient traversé des siècles de prouesse.

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