Au moment où je sors pour entamer la course à pied, j’entends l’annonce du départ du semi-marathon, il doit être 11h et je suis partie à 8h30, je n’arrive pas à calculer le temps. Le circuit de 10km du triathlon de Chantilly profite de l’ombrage des arbres du parc, pourtant la chaleur se fait très fortement sentir lorsque nous courons sur la pelouse, mes idées ne sont plus vraiment au clair, je décide de ne rien calculer, je ne décide plus rien. Je fonctionne en restant dans une nappe de brouillard qui anesthésie toute sensation, j’entends parfaitement ma respiration régulière, je constate que je double les premiers coureurs sans faire trop d’effort, mes jambes avancent sans qu’à aucun moment je ne me pose la question de marcher. J’ai trouvé la discipline dans laquelle je ne marche pas. Déjà le premier kilomètre est annoncé à ma montre, je ne sais pas à quel rythme je cours. Etant donné que j’ai paniqué en nageant et déraillé en roulant, j’évite de me démotiver pour de bon en consultant ma vitesse, je continue à fonctionner. Cinq kilomètres déjà.
Jamais aucun de mes précédents 10km de course à pied n’aura ressemblé à celui-ci, forcément mes poumons et mon coeur sont échauffés depuis plusieurs heures, je n’ai pas de souci au démarrage même si les cuisses ont souffert sur la partie vélo, les kilomètres défilent à une vitesse extraordinaire et je ne sens pas venir la tension au 7e kilomètre. Tout au plus, je reconnais le trajet emprunté à vélo le matin pour rejoindre le château de Chantilly depuis la gare, ce qui me permet de visualiser la fin du parcours facilement. Nous allons passer devant l’Auberge du Jeu de Paume, mes collègues courent le 10km. Cette impression de pouvoir encore courir pendant des heures est aussi inquiétante que grisante, j’ai du m’économiser tellement à vélo que mon corps en redemande, et en même temps à maintenant trois kilomètres de l’arrivée, je savoure déjà ma victoire. J’ai été doublée par tous les nageurs, par de nombreux cyclistes des vagues suivantes, aucun coureur ne m’a doublé et j’ai pu accélérer à quelques endroits pour me détacher d’un concurrent trop proche et dont la respiration haletante me perturbait depuis ma bulle.
Nous arrivons en bas du parc, au niveau des bassins d’eau, je vois la ligne d’arrivée à cent mètres seulement, il suffit de remonter par les gravillons vers le château et la foule. Un pisteur me dirige sur la droite parce que j’étais en train de repartir pour une seconde boucle, je ne suis plus qu’à demi lucide et cela doit se voir, je franchis la ligne d’arrivée. 47’59 »
3h26mn49s
Si j’apprends à rouler à peu près comme j’ai couru aujourd’hui, j’ai des chances de finir le format L sur lequel je me suis inscrite pour l’année prochaine. Je dois rouler et rouler. Acquérir des automatismes. Continuer à nager, nager encore, et travailler la respiration.
Je suis une triathlète, heureuse de le devenir chaque jour un peu plus.