Retour dans le grand bassin pour le premier jour de mes vacances, rien de tel me suis-je promis pour me détendre physiquement au lendemain du semi-marathon, une fois récupéré. De mes trois piscines de quartier, je choisis celle que je n’ai pas encore pu tester en nocturne, évidemment les casiers nécessitent l’utilisation d’une pièce et je me rends compte alors que je suis déjà en maillot de bain que je n’ai aucune monnaie sur moi, me voici dans le hall à réclamer de l’aide auprès du guichetier qui m’offre un jeton valable dans toutes piscines munies de casiers du même genre. Les vacances commencent, j’ai l’art des grands départs. Pour continuer, je pensais me retrouver seule ou presque dans ma ligne en ce jour de reprise. C’est tout le contraire, je me vois obligée de passer entre les rangs pour doubler deux nageuses qui freinent l’avancée des autres nageurs, je préférerais faire mes longueurs à deux mètres de profondeur et en apnée pour n’avoir à déranger personne. Le crawl exige la surface. Pour m’achever, je me retrouve systématiquement derrière une même nageuse qui semble faire du sur-place, moi qui viens d’inventer le brawl je me vois surpassée par son inventivité. Plusieurs fois, je la dépasse en allongeant la brasse coulée puis dans une dernière longueur et alors qu’aucun nageur ne me fait face encore dans l’autre sens de ma ligne, j’accélère pour la dépasser en crawl, certes une nage crawlée très approximative, je finis pourtant par la doubler. Mon réflexe ne serait pas de nager le crawl si je me faisais attaquer par un requin en haute mer, sachant que le seul réflexe serait de ne pas bouger. Je n’irai pas nager le crawl en mer. Concernant la course à pied, je pensais que le réflexe de mettre les semelles était acquis, il faut croire qu’en période de vacances, plus aucun réflexe ne tienne la route, rien ne va plus. Pourquoi ai-je choisi un entraînement en côtes avec l’autre club dès le lendemain du semi-marathon, je ne m’en souviens plus, sans doute n’étais-je pas encore inscrite pour la course. Bien sûr, je ne force pas et je traverse tranquillement l’entraînement depuis les exercices de renforcement musculaire jusqu’au parcours élaboré autour d’escaliers et d’accélérations. Pas un instant, je ne vois que quelque chose ne va pas, je sens simplement la fatigue de la veille. C’est chez moi que je me rends compte que j’avais oublié de mettre l’une des deux semelles. J’étais prête à retourner à la séance de côtes de mon club dès le lendemain, mes deux semelles aux pieds cette fois-ci, après une nouvelle séance de natation et quelques films à rattraper. Mais la piscine près des quais et de ses cinémas est exceptionnellement fermée par manque d’effectif, je continue donc ma route en visant la prochaine ouverture à 16H30, éventuellement. Les films « Sibel » et « Marie Stuart » me touchent énormément. Je retourne à la piscine à l’heure dite, l’effectif n’est toujours pas au complet, le lieu reste donc fermé. Qu’à cela ne tienne, je m’offre une dernière séance avec « Maguy Marin », autre destin de femme en révolte contre la société et qui cherche un langage pour dire et bousculer les choses. Au moment de rentrer chez moi et me préparer à l’entraînement, une véritable tornade s’abat sur Paris, je viens d’échapper à la minute près à une tourmente qui mêle vents et pluie. Comme si une puissance supérieure et bienveillante m’avait prévenue d’un entraînement de trop en ce début de semaine, surlendemain du semi-marathon, alors même que je m’étais fait une fracture de fatigue cinq ans auparavant en enchaînant sur mon premier semi-marathon mes deux premières séances de fractionné, sans prendre le temps de récupérer auparavant. Bien sûr je m’en souviens encore, et pourtant le destin avait besoin de me rappeler à l’ordre.