Moi qui rechigne à entrer dans une boutique pour essayer un vêtement, nous en explorons une demi-douzaine pour dénicher la robe idéale, la petite laine parfaite, le collant adapté, et cela me plaît de la suivre à travers les rayons, partir en quête de la perle rare au cœur de la Bretagne, puisque ce n’est pas pour moi que la séance shopping est organisée mais pour elle. Et elle joue le jeu en collectionnant les articles pour me les montrer, elle essaie aussi les petites robes noires que je verrais très bien sur elle, je me projette déjà dans notre tête-à-tête. Nous y sommes et je me laisse doucement aller au plaisir de ne rien faire sinon la suivre et profiter de cet espace temps qui nous est réservé dans un bout du monde, un ailleurs en forme de pointe comme un doigt dessiné vers l’avenir qui nous sourit, si on sait le saisir au passage.
Nous ne savons pas encore, lorsque parées de nos emplettes nous reprenons la route vers la pointe de Pen Lan, que la date que nous avons choisie pour notre escapade était la dernière possible avant un confinement aux allures de fin du monde, sans trop de visibilité sur la suite. Pour l’instant nous suivons le soleil vers son coucher, il nous fait suivre des routes toujours plus étroites et intéressantes, la couleur vert l’emporte bientôt sur l’absence totale de nuances, ce n’est pas la Cornouaille tout à fait mais ce n’est déjà plus la capitale, mais l’univers des minuscules, ces micro changements à chaque kilomètre qui nous emportent vers le prochain. La route se fait escarpée et d’un coup, la mer est là. On le savait, on ne pouvait que s’en rapprocher en s’éloignant de Paris dans la bonne direction, mais soudain on s’en rend compte pour de vrai hors de toute considération géographique, elle nous a manqué, la mer, ses reflets. Ce n’est pas non plus la mer turquoise des cartes postales mais celle, agitée et sablonneuse, qui nous accompagne désormais de son inspirant mouvement vers notre destination finale. Pour couronner le tout, la chambre qui nous est attribuée lui fait la part belle, les vagues semblent s’échouer sur le lit au-delà de la terrasse qui nous invite à écouter le ressac, la vie ici et son rythme si différent de la planète dont nous venons à peine d’échouer, encore tendues. J’aimerais me laisser aller, le lieu s’y prête tellement, je l’ai choisi pour cette raison et à présent que nous y sommes je m’efforce de rassembler mes souvenirs de moments apaisés pour inspirer ceux à venir, comme auparavant sur la route les déclinaisons de vert me donnaient envie d’avoir toujours plus de goût mentholé en bouche et de vent dans les oreilles. Le Spa s’offre à nous comme un lieu lumineux et ouvert sur l’océan, et tandis que je me rends compte du calme plat parmi les convives installés sur les transats façon bronzette à travers la vitre, elle décide de sauter dans la piscine comme on le faisait avant, en mode éloignez vous ! D’un coup, je me détends. Elle non plus, je ne l’ai pas choisie par hasard, ça me revient enfin. La piscine n’est pas aussi chaude que je l’avais espéré et le hammam nous paraît étonnamment tiède avant de nous apercevoir que nous sommes restées dans le sas au lieu de pénétrer dans le vif du sujet, le sauna est bondé et les gens nous regardent plutôt de travers si nous avons l’audace d’échanger quelques mots, la piscine n’est toujours pas plus chaude et le jacuzzi est limite froid, mais je n’aimerais être nulle part ailleurs, je me régale à la regarder. Aucune autre femme ne semble s’amuser, ne prend autant de plaisir à le montrer, le Spa sursaute à chaque fois qu’elle plonge à nouveau de tout son élan dans la piscine qui lui paraît être à une température parfaite. Même le seau d’eau glacée la ravie plus qu’une glace vanillée. Ses rires mêlés aux rayons du soleil déclinant finissent par l’emporter sur toute résistance de ma part et je m’assoupis sans prévenir après la nuit d’insomnie de la veille, remplie d’espoir. Régénérée par ces éléments si simples autour de moi, sa présence, la lumière, notre rencontre.