J’ai repris la course à pied en douceur après Vichy, une première séance le soir en mode détente, la deuxième un midi pour reprendre le fractionné, la troisième le matin à jeun seule au stade, coup sur coup mes deux vélos ont déraillé, Spring le soir et Storm ce même lendemain matin où je me suis littéralement ébouillantée en renversant mon premier café encore fumant sur moi. Arrivée en fin de saison après trois triathlons longue distance, deux triathlons distance olympique et quelques sorties quand même à Longchamp et à Molitor sans parler du stage, jamais cette année je n’ai déraillé et là coup sur coup et à l’arrêt l’une comme l’autre, un bug. Et surtout, en plusieurs décennies de multiples machines à café à des heures parfois très matinales et peu syndicales, pas réveillée j’ai pu boire mon café sans aller jusqu’à le renverser. Serais-je en train de me dérégler d’un système pour me connecter à autre chose sur cette Terre ? Mystère et boule de gomme, toujours est-il que la deuxième répétition que nous avons fait passer en mode test à l’autre prétendante à la direction de la chorale s’est passée à merveille. Depuis un échauffement intégral et maîtrisé jusqu’à son écoute individuelle en venant se poser devant chacune de nous, en passant par son oreille absolue au moment de nous donner la première note des trois pupitres et le départ avec une assurance qui met toute la chorale aux anges, je suis conquise de bout en bout et je ne me défais par d’un sourire pendant toute la répétition, non pas par politesse, mon sourire s’impose et dit combien je suis heureuse d’être là. L’échauffement vocal finit sur un refrain très entrainant que l’on se prend à scander des pieds, presque un chant africain et je constate que des passants commencent à s’arrêter dans les jardins du Palais Royal pour nous écouter, pupitre après pupitre puis en tutti, et pour nous applaudir. Ce refrain fait partie du morceau qu’elle a choisi de nous faire travailler et c’est dans la surprise générale que nous le retrouvons en déchiffrant la partition, elle a réussi son effet, c’est magique. Nous chantons donc le « Cantus iteratus » (Ademius, Songs of sanctuary, 1995) de Karl Jenkins, nous sommes très loin d’Indochine et le déchiffrage est exigent, notre cheffe testée adapte sa stratégie de répétition en fonction de notre niveau comme si elle avait toujours fait ça, comment pourrions-nous passer à côté d’elle alors que tout le monde s’arrête pour l’écouter. Je prends toutes les rues dans le bon sens pour rentrer à vélo et grimper la butte jusqu’au retour. Encore aujourd’hui, je me suis réveillée avec ce refrain entêtant et rythmé, en espérant que la magie blanche de ce chant opère parmi les choristes mercredi prochain pour faire le bon choix.

Photo : Marc Chagall, « L’étude », 1918.

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