Pour faire les choses selon les règles de l’art au sein d’une journée de stage triathlon, celle-ci démarre par la séance de natation au petit matin, sept nageurs par lignes d’eau et par niveau, le crawl est à l’honneur dès les premières longueurs, la brasse sera à peine évoquée. Pour la première fois, je nage avec des palmes, pour la première fois aussi je fais une culbute. Et pour la première fois aussi, à vélo cette fois-ci, j’apprends à gérer les vitesses selon le dénivelé sans oser avouer que jusqu’ici ma sortie sur les bords de Marne s’était déroulée sans aucun changement de vitesse, j’avais roulé en résistance maximale sans pouvoir mouliner. Impossible dans les côtes qui se présentent dès la première sortie en Ardèche, les vingt premiers kilomètres se passent normalement, nous enchaînons les faux-plats et les premiers dénivelés, je prends mon vélo en main, j’adhère davantage à la route, puis arrivent les côtes. J’apprends que mon vélo n’a qu’un plateau, ce n’est pas courant et en même temps me disent les experts qui m’entourent, la tendance revient au mono-plateau, je ne risque pas de dérailler. Mais la première vitesse ne me permet pas non plus de mouliner suffisamment, ou alors je ne parviens pas à l’atteindre, quelque chose résiste, débloque au moment où je suis dans le rouge. Je dois mettre pied à terre et gravir le col en poussant le vélo, j’imagine mal continuer ainsi. Le groupe a fait une pause au sommet du col avant de repartir pour une descente vertigineuse. Le vertige… ma hantise. Je m’élance sans aucune visibilité dans le virage en aiguille, en face de moi le vide, un autre que moi parlerait de paysage à couper le souffle, vue panoramique. Mon guidon est incrusté dans mes mains et tout mon corps est crispé sur celui-ci pour donner le coup de frein nécessaire avant de s’engager dans le prochain virage, je n’en vois pas la fin. Je suis dépassée par des cyclistes lancés à pleine allure, sans doute n’ont-ils donné aucun coup de frein depuis le sommet, ils filent vers la stabilité du plancher des vaches en tout détente. J’imagine même qu’ils prennent particulièrement plaisir à descendre après l’effort de la côte. Quand j’arrive en bas de la descente, je suis épuisée, j’arrive à peine à décrisper mes mains du guidon, mes muscles sont tendus sans même avoir été sollicités pour faire le moindre effort. J’apprends que la solution se trouve dans la détente, cela ne sert à rien de crisper, au contraire. Facile à dire. Je choisis des sorties avec un dénivelé de 600 pas plus pour les prochains jours. Puis, le stage avançant, je me lance en fin de semaine dans une sortie longue avec 1200m de dénivelés, je me dis que je ne retrouverai pas cette occasion à Paris d’affronter ma hantise. Comme d’habitude, les premiers kilomètres s’enchaînent sans difficulté, mieux je ne suis plus la dernière du peloton, les cuisses sont aiguisées, je maitrise définitivement toutes les vitesses, je m’initie au drafting et je me sens plus détendue que jamais. La première côte s’annonce. Sans sourciller je passe la vitesse adéquate, il fallait la débloquer manuellement, je mouline à présent sans encombre, j’arrive au sommet à bout de souffle mais sous les applaudissements. Et surtout, j’attends la descente pour souffler, je me détends parce que les paysages et le vertige me sont devenus familiers, j’ai le réflexe de vouloir freiner mais je laisse couler quitte à prendre beaucoup de vitesse, la panique monte mais je souffle lentement, il ne m’arrive rien. Toujours mieux, je me surprends à suivre le mouvement de mon vélo dans les virages et je penche avec lui à droite puis à gauche en m’équilibrant avec le genou sorti, je regarde devant. Jamais je n’ai regardé aussi loin qu’au moment où j’ai eu le nez dans le guidon en grimpant sur ce vélo qui m’a permis de dépasser mes limites et ma peur des virages en côtes escarpées. Le stage devrait commencer maintenant, malgré la fatigue accumulée et la météo incertaine. Contrairement au début de semaine, je n’hésiterais plus à partir affronter les bourrasques de vent et le risque de pluie, l’envie de profiter de chaque occasion de rouler est quasi incessante. Les séances de natation montent jusqu’à deux heures d’effort, le travail éducatif paie, la sensation de glisse en crawl est plus évidente et j’économise des mouvements sur une ligne. La course à pied est revenue progressivement dans le programme du stage avec une première sortie directement après avoir rangé les vélos, catastrophique. Les jambes ne répondaient plus, les cuisses étaient asphyxiées et l’élan inexistant, j’ai cru que je ne savais plus courir du tout. Des deux transitions à travailler, la dernière qui enchaîne le vélo et la course à pied est la plus difficile et mérite un travail spécifique, qui a été organisé autour d’une boucle de 4km de vélo et d’un kilomètre d’un parcours de course jalonnés de côtes et d’escalier, le tout à enchaîner si possible quatre fois voire plus pour les plus téméraires, sous une pluie continue, avec du vent. Une fois les conditions énoncées, on aurait pu croire que l’exercice fut pénible et douloureux, or le contraire se produisit puisqu’au moment de finir la reconnaissance des deux parcours, une joie à l’idée d’en découdre ensemble sur ces courtes distances a gagné le petit groupe de volontaires. Nous nous sommes encouragés sur la boucle à chaque fois que nous nous croisions comme s’il s’agissait d’une compétition contre les éléments et que nous avions à défendre les couleurs de notre stage de triathlon, je me suis sentie stimulée comme jamais. Finalement, et après une autre sortie de course à pieds dans les jolis sous-bois du gîte, j’ai senti la transition devenir moins difficile, les différents muscles semblaient bien s’harmoniser. Cela aurait pu est de bon augure pour le prochain triathlon XS prévu après le stage si la fatigue n’avait fini par s’installer au retour, comme une orage que personne n’aurait prévu. Doucement, j’ai repris la course à pied mais sans pouvoir allonger la foulée ou la longueur de la sortie, je suis retournée nager en profitant de lignes de crawl sans incident mais sans avoir l’impression non plus d’avoir gagné en souffle, n’importe quel effort me coûtait le double de ce qu’il aurait du me demander. J’ai continué à rouler en me persuadant que les sorties vélo n’étaient que de simples balades et que je serai remise sur pied pour le prochain Super Sprint.

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