Les journées se suivent et se ressemblent ou ne s’assemblent pas et d’un coup, c’est l’aventure pour vraiment pas grand-chose, une toute petite entorse ou un écart de la route, tout s’enchaîne. Ça commence au moment où je me dit que ça a commencé bien avant que je me dise que ça commence bien, c’est même à ce moment-là que je comprends qu’il se passe quelque chose, donc à l’instant où je remarque que la touche de la lettre ‘e’ sur mon clavier ne marche plus parce que cela fait trois fois que j’appuie dessus sans effet aucune et que mon « chèr » ne veut pas se féminiser – je peux même me souvenir de mon agacement parce qu’un accent grave sans voyelle pour atténuer sa gravité, c’est pire que tout, on dirait que le mot va sauter d’une falaise -, à cet instant donc où je suis victime de la disparition, je prends tout de suite le pli pour faire sans, mon « chèr » devient « bonjour » et mon « joyeux anniversaire » un « happy birthday ». Mais ce n’est pas gérable à long terme, personne ne peut survivre à la disparation de la lettre e. Je viens tout juste d’arriver au siège et de changer mon mot de passer qui contient cette lettre, je me dis ça commence bien, sauf que j’y suis quand même parvenue en clopinant au siège. Sans doute la faute à une entorse, j’ai d’abord cru à une nouvelle fracture de fatigue mais je peux encore poser le pied à terre, faire semblant tout au moins, et mon pied n’est pas tout noir, tout va donc très bien Madame la Marquise, tout va très bien, mon corps me dit de m’arrêter. Moi qui cherchais la date d’un début de saison, voilà qu’en arrêtant tout je vais pouvoir savoir quand je reprends les choses en main, et comme je n’arrêtais pas de répéter qu’il faut que je me consacre à la natation rapidement pour ne pas rester derrière tout le monde, et avant le printemps parce qu’alors ce sera la reprise des sorties vélo, voilà l’occasion m’est donnée de nager only. Mon avion de chasse était prêt à être récupéré samedi, au moins j’ai pu le voir à l’atelier vélo, j’ai vu son changement de cintre, il a changé de tête comme moi et je l’adore ainsi transformé, seulement au moment de monter la selle pour régler ma position, il semblerait que j’ai serré une vis trop fort et celle-ci se brise dans la pince du technicien qui m’apprend qu’il va devoir intervenir à nouveau au risque autrement d’abimer le cadre si je roule avec une seule vis saine. Tous ces petits changements, toutes ces microcosmiques contrariétés, une fois assemblées, au lieu de me vexer, vont au contraire titiller ma curiosité comme si la voie s’ouvrait vers une date, un nouveau commencement, quelque chose qui m’indiquerait le bon moment qui n’existe pas, je me réjouis presque de cet interlude qui m’offre un repos imposé amplement mérité et attendu, un nouvel ordinateur que je récupère au siège alors que l’autre se faisait juste vraiment vieux, enfin un vélo avec une nouvelle tête que je dois récupérer en traînant la patte, une vraie mission. Descendre les marches du métro est un vrai calvaire, j’entends tous les os du pied se briser, j’arrive à l’heure, je repars en vélo et à pied, la musique dans les oreilles, j’ai tout mon temps.

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3 réflexions sur “Nadège Night and Day #42

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