Pour quelle raison ce petit bar de la 6e base au Moule m’a-t-il fait un effet fou ? Certainement pas pour sa cuisine locale puisque rien n’était proposé pour accompagner les boissons, pas plus que pour la qualité du concert ce soir-là, le groupe de reggae n’en était qu’à sa formation et peinait à trouver des paroles sur les accords hasardeux du guitariste, encore moins pour la vue sur une rue sans animation aucune ni horizon à voir. Non, c’est autre chose, quelque part entre le hasard et l’intention, dans cette zone de transition entre l’idée de se projeter quelque part sans savoir où et pile le lieu apparaît, comme une intuition pour un moment parfait, lorsque le bleu du ciel s’aligne sur la mer. C’est dans ce bar que j’aurais voulu boire ma dernière pinte, écrire ma première page, j’aurais aimé y retourner tous les soirs, parler à tous les habitués jusqu’à n’oublier personne et faire partie de ce tout petit univers perdu dans la stratosphère vacancière pour m’y sentir comme chez moi et à la fois découvrir cette autre que je peux être ailleurs lorsque plus rien n’est comme d’habitude mais que tout nous ramène à des repères. Débarquer, observer et écouter, m’inspirer un peu et souffler beaucoup, traquer l’étincelle, découvrir ou faire semblant de n’avoir jamais vu, courir après une vérité, trouver le point de départ, la phrase dont découlerait celle d’après et ainsi de suite, repartir de plus belle pour aller plus loin, au bout du monde, pour toujours revenir à soi.