Neuf, comme un sou qu’on glisserait dans la machine pour la première fois. Premier jour d’un plus grand départ encore, propre comme un soulier ciré, prêt à partir. Dans le programme des Douze Etapes, la Neuvième requiert les qualités de prudence et de courage, et à ce stade seul un jugement avisé permet d’éviter l’excès d’inconscience. Je ne m’attendais pas à l’accueillir avec autant d’enthousiasme ce mois de septembre, le neuvième de l’année, celui de la rentrée et du retour, celui des vrais engagements, cette promesse d’automne à tendance menaçante que je n’attendais pas avec impatience. Nous avons placé le troisième jour sur l’île sous le signe du soleil, celui tropical qui n’épargne pas les nouveaux élèves appliqués de pommade, même après deux jours sages passé l’un dans la jungle folle que nous avons inventée et l’autre sous une pluie réelle. Occupées à chercher les tortues au large de la plage, nous n’avons pas senti la brûlure des rayons à travers l’eau et les quelques nuages qui circulaient négligemment comme des gendarmes censés protéger mais qui planquent pour verbaliser au moindre faux pas. Il ne nous restait plus qu’à faire l’expérience de la boue, la gadoue encore fraiche de la pluie matinale et tenace parce qu’elle profite sur l’île comme une tomate sous une serre. Nous nous sommes laissées embourber le long d’une rivière à traverser dix-sept fois. Une randonnée inspirée par la beauté de la forêt et le mystère des sous-bois, et dont le point d’arrivé constitua le clou de notre spectaculaire traversée marécageuse, puisqu’au lieu de nous retrouver au point de départ et achever une boucle savamment imaginée, nous avons débarqué sur une route nationale. Le soulagement du bitume et des klaxons.