Quand le dernier jour du mois de novembre tombe le premier jour de la semaine, c’est un peu comme de respirer un grand coup avant de sauter du grand plongeoir ou de prendre un peu plus d’élan pour aller encore plus loin que prévu, on peut s’y préparer. Nouvelles paires de semelles et de lunettes. Je prépare un mois de décembre rimbaldien en m’inspirant de l’homme aux semelles de vent pour insuffler à ma foulée un élan neuf et de la lettre au voyant pour dérégler mes sens de façon déraisonnée, folle et immense. Parce que jusqu’ici, c’est mon corps qui se disloquait irrémédiablement à chaque sortie. Depuis le temps que j’attendais ce rendez-vous à l’institut national de la podologie, parce qu’après deux paires de semelles rien ne m’avait permis de corriger ma posture et je continuais à subir cinq ans après les séquelles d’une fracture de fatigue du bassin. Premier rendez-vous pris cette année au printemps annulé à cause du confinement, j’évolue cahin-caha sur le bitume en traînant la patte, ma foulée prend du plomb, ça tire. Au moment où le deuxième rendez-vous est reporté au début de l’automne, je ne tiens plus un kilomètre sans souffrir le martyre comme si une lance me transperçait du côté opposé à celui de la fracture, je devrais arrêter pour ne pas finir déboîtée, je ralentis tout. Dans mon malheur et puisqu’il s’agit d’une pathologie de longue durée, j’ai une prescription pour nager, rien de mieux pour éviter toute blessure que de muscler le dos. Je me pointe donc un dimanche matin de ce mois de novembre tremplin vers du mieux, quatre personnes font la queue devant moi à l’ouverture de la piscine, je suis la cinquième à entrer et nous ne serons pas davantage pendant toute une heure où je nage dans ma ligne comme un poisson qui aurait tourné trop longtemps seul dans son bocal. Les sensations sont excellentes, autant je ne peux plus courir sans souffrir, autant la brasse coulée m’offre une occasion exceptionnelle de m’étirer et me détendre, miracle. Je sors de là heureuse et rincée d’avoir pu profiter d’autant de réconfort dans l’effort ! Enfin, je reçois sans un délai extravagant non plus le home trainer qui va me permettre d’hiberner à peu près activement au moment où je ne me vois plus courir du tout. Et là, j’obtiens LE rendez-vous de la dernière chance pour une troisième paire de semelles. Une nouvelle fois, je raconte toute l’histoire depuis la fracture jusqu’au déplacement du bassin, en passant par l’absence de récupération, trop peu d’étirements, puis le triathlon. L’accueil et l’écoute sont incomparables, rien n’est laissé au hasard, je reprends confiance tandis qu’on m’observe en train de courir sur un tapis, mon cas ne semble faire aucun doute et le type de semelles orthopédiques est lancé en fabrication, miracle. Nouveau miracle en cette fin d’année apocalyptique, je m’y accroche ferme pour croire.

4 réflexions sur “Clignancourt #21

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