La queue faisait le tour du pâté de maison pour revenir au stand où retirer son dossard et il pleuvait. Les gens restaient sans broncher, motivés par l’idée de décrocher un ticket pour le marathon des Jeux Olympiques de Paris, ouvert pour la première fois au grand public, il suffisait de battre Eliud Kipchoge. Le sas qui m’avait été attribué par défaut était le plus lent, un rythme désespérant de marche à pied, aucun espoir de franchir la ligne d’arrivée des cinq kilomètres avant la star, même en partant avant lui, sauf que les meneurs d’allure pouvaient être doublés, mon ticket était gagnant, mais j’ai laissé tomber. Les coureurs choisissaient l’un des six sas en fonction de leur allure, logiquement les sas les plus rapides partaient gagnants pour affronter le champion mais ils partaient également juste avant lui, en dernier et bien après le sas le plus lent, dont j’avais compris qu’il avancerait au rythme où je marche, sans me permettre de m’élancer à la poursuite de la ligne d’arrivée et remporter un dossard pour le marathon des JO de Paris. C’est quand une coureuse du club a indiqué le lendemain, une fois la course finie – elle avait elle-même pris le départ dans l’un des sas les plus rapides et avait été doublée par Kipchoge -, qu’il était possible de doubler les meneurs d’allure au bout de deux kilomètres que j’ai compris, le meilleur sas m’avait été attribué pour me permettre d’arriver en avance sur le marathonien. Mais devant le stand de retrait des dossards, tout en haut des Champs-Elysées où devait avoir lieu la course le lendemain, la pluie avait redoublé à mon arrivée comme pour tester ma résistance, les gens n’avaient pas bougé et je n’avais pas compris cet acharnement à récupérer un dossard pour un simple cinq kilomètres, une fois fait le tour du pâté de maison pour constater la longueur spectaculaire de la queue, le bus m’avait ramenée chez moi, presque soulagée. Contrairement aux prévisions météorologiques, il n’avait pas plu le lendemain matin et le temps était au contraire propice à une sortie, un froid sec et une jolie lumière, j’étais partie sur une distance de dix kilomètres, histoire de prendre ma revanche sur le contretemps vécu la veille et saisir l’occasion de courir plus longtemps au moment où d’autres s’affronteraient sur une plus petite distance, alors que je pouvais depuis presque une année courir à nouveau plus longtemps sans ressentir cette sempiternelle douleur à l’ischio suite à une fracture de fatigue mal guérie. J’étais partie à 9h31, la musique dans les oreilles, sous un soleil tout à fait étonnant à cet instant, et j’avais pris la direction de la Porte de Clignancourt pour tracer ensuite une ligne droite propice aux accélérations, jusqu’au Parc Martin Luther-King, le souvenir m’était revenu d’avoir raconté ce parcours au moment déjà de pouvoir remporter un dossard pour le marathon des JO, il s’agissait de proposer un tracé parisien que les marathoniens pourraient emprunter le jour J, j’avais appelé le mien « Clignancourse » pour mettre en valeur mon cher quartier, moins habitué aux grands événements sportifs mais amené à évoluer lui aussi d’ici l’échéance fixée à 2024. J’avais rêvé de mes futures lignes d’arrivées dans les trois années à venir et je m’étais rappelée que j’étais déjà devenue championne olympique de marathon, à mon niveau, aux Gay Games.

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