Vendredi soir dernier, ma connexion Internet tombe en rade en plein après-midi travaillé, je relance la box plusieurs fois, je cherche d’autres connexions et finis par me déconnecter pour sortir boire un verre et lire d’une traite Soumission de Houellebecq qui m’avait échappé. Seulement je ne peux pas rester sans connexion tout le week-end non plus, avant de m’éclipser pour la soirée j’écris deux courrier sur du papier à lettre que je garde comme les reliques de ma jeunesse et je glisse chaque lettre sous la porte de mes voisines d’en haut et d’en bas, que je ne connais pas sinon à travers le bruit de leurs féminins dans les escaliers, mais je peux me tromper. J’ai envoyé une bouteille à la mer, je peux aller me noyer en toute tranquillité au bord du canal, au Paname pour tout dire, où je contemple le ciel se contempler lui-même à la surface de l’eau. Ma voisine du dessus, Emma, me répond dans la soirée, celle du dessous le lendemain, Lola. 3615 Code Wifi, jamais je ne me suis sentie aussi bien entourée qu’au moment de lire ces noms. Je passe des quais à la plage en un week-end de printemps presqu’estival, une plage culturelle puisque je lui fais la visite du 104, ce lieu culturel par lequel je passais chaque fois que je me dirigeais vers le canal, nous débarquons en plein cours de salsa hip hop, elle sait que j’ai déjà pris des cours de salsa et nous nous promettons de suivre un prochain cours ensemble, Achtung. Nous poursuivons la visite par la librairie, puis les différents recoins où répètent danseurs et jongleurs, comédiens et chanteurs, nous arrivons de l’autre côté du centre sur la cour ensoleillée. Deux transats n’attendent que nous, il n’y a pas un brin de vent et l’animation est enivrante, entre des étudiants américains qui mélangent allègrement les genres et un trio d’art dramatique en pleine scène de meurtre, il se joue face à nous contemplatives une battle pour attirer le regard. Je ferme les yeux, déconnectée du virtuel et du réel, mon esprit dérive vers un océan imaginaire. Vendredi soir, une semaine plus tard, l’esprit emballé par une force poétique nouvelle, inouïe, j’arrive dans un bassin d’hiver vide, pas un nageur dans l’eau ni un fainéant sur son transat non, personne et pour preuve je pousse un cri de joie qui résonne sans que personne ne réagisse. Pourquoi je me suis mise en tête de nager 2000m tous les jours pendant dix jours je ne sais pas, sinon un nouvel élan qui me submerge en ce printemps où chaque pas me trouve plus confiante, il se passe quelque chose, comme un air de rumba dans l’ambiance de mon quartier, dans mon corps et dans le corps de ce que j’écris, je ne saurais dire et pourtant je le dis, un air de rumba. La journée aurait pu être un calvaire sans nom, j’ai attendu le technicien de chez Free trois heures, au moment de me précipiter pour aller travailler enfin, justement je me précipite et me cogne sur la blessure, mais va-t-elle donc cicatriser, tiens je me suis mise à courir ai-je pensé. Je prends tout, oui je prends, je fais feu de tout bois, de n’importe quoi, pourvu que ça continue. J’arrive dans mon quartier, il est tard, je passe par le petit épicier pour acheter une boîte de vous avez ce qu’on met quand on a mal, le mot m’échappe, concentre-toi, l’épicier me tend une boîte de préservatifs, j’éclate de rire, non juste à côté une boîte de, euh pansements. Ouf, j’ai pensé.

6 réflexions sur “Nadège Night and Day #51

  1. « … il se passe quelque chose, comme un air de rumba dans l’ambiance de mon quartier, dans mon corps et dans le corps de ce que j’écris, je ne saurais dire et pourtant je le dis, un air de rumba…  »
    C’est palpable, Isabelle.
    Il fait bon de vous lire.

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