Nadège Night and Day #27

Après deux séances de fractionné court sur 5km et trois séances de fractionné long sur 7km cette semaine, je me rends compte sans surprise aucune que ce retour sur la piste de mes stades fait un bien fou à mes articulations, moins sollicitées que sur le bitume, je retrouve mes marques. Quoi de mieux en ce samedi travaillé que de faire le tour de mes trois stades en mode tranquille pour assurer une petite sortie longue à l’heure de la pause déjeuner, dans l’attente du week-end. Je sors à 13h en me disant que je vais forcément traîner de la patte, 6 jours travaillés, 6e séance. Or il se passe quelque chose d’improbable dès le moment où je sors et que le soleil m’inonde, dès le premier kilomètre vers le stade de 300m je sens une énergie nouvelle me transporter et surtout, je ne sens pas cette fatigue chronique au niveau du bassin, comme si les semelles que je porte maintenant depuis deux ans sur différentes chaussures faisaient effet enfin pour apaiser et que, sans m’en rendre compte jusqu’ici, j’avais adopté une posture de course plus efficace. J’arrive au premier stade pour y courir trois kilomètres et je trouve un nouveau souffle de suite, aucun besoin d’ajustement, je me surprends en train de sourire en courant, je n’y crois pas, tellement pas, je retrouve les sensations d’il y a trois ans, lorsque je courrais comme une fusée. Dommage que je sois de corvée aujourd’hui, j’aimerais courir ainsi tout l’après-midi jusqu’à l’épuisement totale, la sensation me renvoie à des souvenirs de course poursuite jusqu’au bout. Je sors du premier stade en me disant qu’au prochain stade, dans un kilomètre, la magie finira. Le soleil m’accompagne toujours et c’est un bonheur de sentir sa chaleur me ressourcer ainsi, j’arrive au stade de 400m en plein match de rugby, je prends tous les encouragements pour moi, c’est toujours moi qui suis en train de pousser la foulée pour qu’elle reste sous les 5mn/km et je ne sens toujours aucun signe ni d’essoufflement ou de douleur, je dois actualiser mon profil, je ne souffre plus en courant, je peux même sortir de ma zone de confort et accélérer encore. Non seulement la surprise de cette énergie soudaine et salvatrice me grise, mais surtout la perspective d’aller au bout de cette sortie pure plaisir en prenant conscience de ce changement me rend légère, j’en arrive à penser qu’il faudrait que je me pèse à la piscine ce soir pour voir. Je continue à tourner sur le stade comme si j’écoutais une chanson en boucle et que je ne voulais surtout pas que le disque vinyle cesse de jouer, j’entends Kungs, Lipstick dans mes écouteurs. Il va bien y avoir un moment où je vais flancher, me dis-je en sortant du stade à grand regret.  J’embraie sur le prochain, le dernier petit stade tout rempli de monde sur la rue Championnet, et je me rends compte dans mon euphorie, sans doute je regarde trop de séries en ce moment, que tous les feux sont au vert lorsque j’arrive pour traverser, j’ai décidé de ne pas m’arrêter, j’escalade le faux-plat vers la butte et j’arrive sur la piste de 250m, je reste ici sur l’extérieur, je ne regarde plus l’heure, aucune contrainte ne pèse plus sur moi, je suis libre et heureuse ici. Maintenant, j’en suis à 11km et il est temps de rentrer sur le dernier kilomètre qui me sépare de chez moi, j’ai couru 4km sur le premier stade, 3km sur le deuxième et ici 2km, un kilomètre sépare très exactement chaque stade l’un de l’autre, je vis à un kilomètre des deux plus proches. J’aime les boucles qui se ferment, les comptes qui tombent juste et les choses qui font signe, forcément cette sortie me parle comme une petite voix qui m’encouragerait à croire en moi. J’arrive devant ma porte quand ma montre sonne le douzième kilomètre. Vive la saison 2022 !

Nadège Night and Day #25

Trois années séparent cette photo de la précédente, prise sur la place Masséna au cœur de Nice. Trois années et trois confinements, je porte la même tenue du club, les chaussures ont changé, et tellement d’autres choses aussi que je m’amuse à regarder ces deux photos en les comparant. Sur la première, j’ai rejoint le club des Front Runners de Paris depuis à peine six mois, j’ai couru et gagné ma médaille d’or au marathon des Gay Games, supportée par la coach Delphine, je suis partie courir le marathon d’Athènes en novembre et j’ai rencontré Pascal en devenant bénévole pour la course de la Saint-Valentin comme lui, nous avons partagé la même chambre, les mêmes délires, et j’en suis à progresser sur les courses de 10km d’une minute chaque fois. Un mois plus tard, je cours les 5km en duo avec Chloé sans plaisir mais avec un podium, puis je découvre enfin le triathlon à l’occasion du Super Sprint organisé par Athletic Cœur de Fond. Sur la deuxième photo, j’ai rejoint ACF depuis ce premier triathlon XS au mois de mars 2019, je m’entraîne en tant que triathlète et j’ai à mon actif trois triathlons longue distance en 2021, mais par-dessus tout je suis venue passer un week-end en amoureuses avec ma coureuse hors-pair dont je partage la passion, les résultats, le moindre entraînement pour s’encourager à deux. Je prends du plaisir dans tout ce que je fais, un plaisir fou à chaque fois, je m’estime chanceuse, tellement heureuse d’avoir trouvé cette personne qui respire la même joie, ce bel enthousiasme. Peut-être me fallait-il patienter ces trois longues années avant de la rencontrer, ne serait-ce que pour attirer son attention enfin et me montrer plus rassurante, c’est qu’elle me donne envie de l’être chaque jour un peu plus et de devenir cette meilleure part de moi vers laquelle je tends. C’est forte d’un élan nouveau et de souvenirs ensoleillés par milliers que je retourne sur la piste dès lundi midi, lendemain de notre sortie sur les collines de Nice avec les trois clubs réunis, et parce que nous avons couru ensemble dans mon stade de 300m je choisis d’y retourner pour une séance de fractionné de plus en plus court, je me sens en forme plus que jamais, transportée. Le lendemain, je double la distance d’échauffement pour courir jusqu’au stade de 400m prête à m’essouffler sur un fractionné long, le vigil à l’entrée m’informe que j’ai un quart d’heure seulement avant l’arrivée des scolaires, c’est parfait pour assurer la séance de 3x1000m à fond. Et puisque j’ai déjà visité deux de mes trois stades, je profite de la séance relax du mercredi pour m’entraîner sur le petit stade de la rue Championnet avec son église et ses arbres, il fait 250m et contrairement à ma séance de la veille, seule sur la piste, je suis entourée d’une dizaine de coureurs et d’un public de parents venus assister à l’entraînement de foot de leur progéniture, l’ambiance est printanière, ou alors c’est l’été dans ma tête qui se dilue dans la météo hivernale. Un mois tout pile que je ne suis pas retournée à la chorale, depuis le week-end au château de Presles, nous avons logiquement gagné une demi-heure d’ensoleillement depuis donc et le chat dans ma gorge s’est dissipé, nous chantons Over the Rainbow pendant quasi toute la répétition. Il ne me reste plus qu’à honorer ma première séance de natation pour me laisser glisser vers la fin de la semaine et le timide retour du soleil sur la capitale pour y adoucir les températures.

Nadège Night and Day #24

Nous retournons sur les hauteurs de Nice dès le lendemain matin pour la sortie longue du club. Le rendez-vous est donné à 10h place Masséna pour la traditionnelle photo de groupe en tenue, pour une course annulée nous sommes plus nombreux encore qu’il y a trois ans, même date. Moi qui posais la question la veille de savoir ce qu’il y avait après le vieux port, la réponse m’est donnée dès les premiers kilomètres sur lesquels les Front Runners de Nice nous emmènent courir à flanc de falaises, juste au-dessus de la mer, le paysage côtier est sublime. Nous quittons la ville et son animation après une autre photo de groupe, nous sommes si beaux, je me sens beaucoup plus en forme que la veille, je ne sais pas encore que la sortie sera bien plus exigeante qu’une course de 10km sur la Promenade, j’y vais d’une foulée sereine et après tout, j’ai été couronnée Reine la veille au soir pendant la dégustation de notre toute petite couronne aux fruits confits, autre spécialité de Nice, plus rien ne peut m’échapper, il faut foncer. Le groupe progresse en file indienne sur le sentier côtier avant d’escalader la centaine de marches, nous voici au début de la route qui mène au parc du Mont Boron au milieu de la pinède, la vue se dégage sur le Cap Ferrat et sur la rade de Villefranche, le spectacle est unique. Nous atteignons le fort du Mont Alban pour une photo victorieuse avant de faire le tour de la bâtisse, puis redescendre vers Castel plage, elle a pris des couleurs comme une fleur qui éclot.

Nadège Night and Day #23

Nadège propose d’inviter Annie à diner dans notre appartement le lendemain, samedi soir, c’est une excellente idée entre deux courses, la Prom’Classic que nous avons décidé de faire en off et la sortie longue du club prévue dimanche matin dans les collines de Nice, il faudra juste faire les courses entre les deux courses, la balade dans le vieux port et la visite obligée du château. Nous courons la Prom’Classic le samedi matin à 10h sous un soleil toujours aussi enthousiaste, un mauvais rhume que je traine depuis le début de la semaine m’empêche au début de profiter d’un élan digne de cette belle et large avenue, je commence à me sentir plus à l’aise une fois les bronches dégagées sur le retour vers le Cours Saleya où le marché aux fleurs et aux légumes nous attend, le soleil prend toute la place dans le ciel, la mer éclatante, je nous prends en photo. Les étals du marché rivalisent de légumes et fruits issus de petites productions locales, de souvenirs et de senteurs de lavande, de sourires du midi et de bonne humeur, j’aimerais faire plaisir à tout le monde sauf que nous n’avons toujours pas trouvé notre menu, place à l’inspiration, deux petits bouquets d’artichauts et un autre d’oignons verts, une belle batavia et des avocats, trois belles pommes et je craque pour la petite barquette de framboises et myrtilles. Il nous manque le poisson que nous pensons trouver dans le vieux port, ce sera un poulet rôti. Elle choisit un pain encore plus spécial que les bières artisanales de la veille et nous profitons d’un brunch riche et réconfortant après cette première sortie course à pied du week-end. Nous ne sommes pas les seules à avoir couru la Prom’Classic en off, les trois coureurs du train l’ont également fait en mode footing et l’organisation a mis en place à partir du dimanche un 10km connecté pour consoler ceux qui seraient tristes de ne pas avoir reçu leur médaille de finisher. Je découvre à nouveau le vieux port dont une partie est joliment ensoleillée, les gens y déjeunent en regardant les quelques voiliers de sortie, elle prend en photo de très jolies petites barques. Aucun poissonnier en vue, nous les verrons le lendemain matin lors de la sortie longue, il faut arriver un peu plus tôt pour trouver les pêcheurs à la descente de leur barque, comme à Tinos. Nous poursuivons donc notre escapade touristique vers le château pour profiter d’une vue panoramique sur la baie des Anges, c’est incroyable comme le ressac des vagues sur la plage de galets nous parvient d’en bas, la ville s’offre à nous entourée de ses collines aux dénivelés qui font la joie des nombreux cyclistes et autres adeptes du plus célèbre Ironman en France. Pourvu que je sois un jour à la hauteur de la côte de Vence pour m’aligner moi aussi sur Nice.  

Nadège Night and Day #20

La Prom’Classic est annulée, qu’à cela ne tienne le week-end à Nice en sera moins stressant dès l’arrivée et plus festif jusqu’au bout, c’est ce que je me dis en notant même que je m’étire, la bonne nouvelle c’est aussi que je peux retourner courir sans m’économiser jusqu’à dimanche. Pour remplacer le 10km, une sortie longue est prévue par le club sur les collines autour de Nice, le reste du programme ne change pas et un très joli soleil est toujours prévu sur la Promenade. Ici, les gants et le bonnet sont à nouveau de rigueur pour sortir courir, j’encourage la lumière. J’ai une envie furieuse d’être en train de courir sous le soleil, c’est ce mois de janvier qui me rappelle déjà juin et juillet en m’induisant en erreur alors que décembre me ramenait à octobre, j’emporte dans ma course des espoirs d’accélération du temps pour mieux percevoir la chaleur, ressentir son réconfort et me trouver enveloppée par sa présence tandis que le froid est absence. J’ai le choix en attendant de faire mon sac entre une nouvelle séance de natation après mardi, un aller-retour aux cycles Laurent pour retrouver mon vélo de course prêt en cas de redoux, ou le plus simplement du monde une séance de cinéma en attendant qu’elle vienne me rejoindre. En voyant le dernier Matrix, j’ai eu envie de regarder à nouveau les trois autres films en me rappelant de l’effet qu’avait provoqué sur moi le premier épisode en 1999, l’histoire d’une quête et je me souviens aussi avoir commencé à écrire sur la bande son que j’écoutais en boucle comme pour mieux entrer en transe ou dans un rythme obsédant, j’écrivais alors une lettre. Aucun souvenir ne m’est resté des films précédents, je me dis surtout qu’il faut que je reprenne mon texte Genre parce qu’il continue à me questionner et me relance de son côté régulièrement. Ce matin, j’ai revu la photo de groupe que nous avions prise place Massena avant la course, c’était le 6 janvier 2019 et il faisait un froid glacial, j’étais en débardeur et j’allais finir en 46’ avant de progresser sur cette même distance en janvier puis en février, toujours avec Pascal. Nous avions pris une photo de nos ombres la veille, lui et moi face au kilomètre 9, sans savoir que j’aurais un coup de mou dès le 5e kilomètre, au moment du demi-tour avant de repartir dans le sens opposé sur la Prom noire de monde, des badauds, je n’avais rien mangé la veille au soir, j’aurais mieux fait de retrouver tout le monde à la pasta party, les mauvais choix me marquent. Le village de la course était très animé, nous y retournions souvent, et le coucher de soleil m’avait projeté en Grèce sur mon île alors que je connaissais pourtant déjà Nice, sauf que je ne connaissais pas encore Tinos à l’époque où Annie m’avait fait découvrir son joli havre de paix, les terrasses sur le Cour Saleya avec mes premiers coups de soleil parce que je ne passais pas encore la plupart de ma vie à l’extérieur, la plage de galet et la vague de 16h, le marché, l’Italie. Demain je renoue avec la Méditerranée dans une nouvelle ambiance, qu’il me tarde de découvrir comme si je partais en vacances d’été en plein hiver, par le truchement d’une matrice.

Nadège Night and Day #16

Après quarante minutes de flotting hier, footing sous une pluie continue, en guise de troisième sortie de la semaine après deux séances consécutives de fractionné court, passons au fractionné long sur 1000m autour des quatre minutes, le temps n’est plus à la pluie et le vent est tombé. Qu’elle n’est pas ma surprise lorsqu’au bout d’un premier kilomètre, je tombe sur la grille fermée du stade de 300m, et c’est la même chose un kilomètre plus loin pour le stade de 400m, me voilà partie pour un prochain kilomètre toujours en mode échauffement et le suivant déjà en mode récupération parce que je ne me vois pas courir du fractionné en plein trottoir alors que je traverse des marchés et autres étals mis en avant pour le Réveillon, tant pis je trotte. Demain sera ma dernière occasion de me lever à 6h pour rouler jusqu’à Molitor et accomplir un triathlon Maison en intégrant un petit footing le midi, j’en serai alors à 30km avant la sortie longue de samedi, 3500m de natation plutôt que rien du tout la semaine dernière et 20km vélo, autant finir l’année en beauté puisque même le soleil sera de la partie pour changer un peu. Toutes les mesures sanitaires actuelles nous indiquent que le 10km de Nice devrait être annulé, je suis dans le même état qu’à la veille du semi de Paris lorsque j’ai appris son annulation. J’ai paniqué en prenant conscience de la crise, ensuite je me suis dit que je n’étais pas prête du tout. Cette fois, je reste confiante parce que je veux croire que le plus dur de la crise est derrière nous. 2022 sera enfin mon année, démonstration. J’ai toujours aimé les miroirs, l’écho et la réflexion. Et le chiasme est ma figure de style préférée entre toutes, ABBA (pas le groupe, la figure de style) me suffit à passer l’hiver le plus impitoyable qui soit, or ma fête tombera le 22.02.2022, chiasme. CQFD.

Nadège Night and Day #6

Dans le train du retour sur Paris, je suis gagnée par la tristesse parce que je n’aime pas les fins. Je n’aime pas que les choses finissent, pas plus qu’elles ne se compliquent, j’aime ce qui dure et ce qui est simple, alors pour ne pas déprimer le dimanche soir je continue à chanter à tue-tête tout en programmant mon entraînement selon les prévisions météorologiques, je m’endors tard. Pour ne rien compliquer, ni la pluie ni la neige ne sont encore prévus, je peux continuer à rouler. Pour se lever à 6h, il suffit de ne pas réfléchir au moment du réveil, l’instant d’après je suis sur deux roues sans même connaître la température et je roule mécaniquement vers les bassins, une fois sur place tout est plus simple, la routine se met en place et je me cale sur elle, je fonctionne. Les objectifs de la semaine me proposent un fractionné court de 6×500 et un fractionné long de 3×2000, puis deux footings qu’il me tarde de réaliser pour retrouver un certain volume de run, de l’autre côté je suis invitée à enchaîner autant de fois que je le souhaite une séance de natation de 1800m, une sortie vélo d’une heure et une sortie course à pied d’une heure, sympathique. Lundi matin, ma priorité est au renforcement musculaire pour poursuivre l’affutage dont je ne sais toujours pas quand et si je verrais un jour le résultat, sinon au niveau des courbatures, j’enchaîne avec des accélérations sur le tapis de course et je finis dans le bassin extérieur pour 1500m de natation alors que le jour n’est toujours pas levé, la nuit l’emporte encore largement. Au moment de retourner aux vestiaires, le maître-nageur me félicite pour cet enchaînement, pourquoi j’en viens à lui parler de la partie vélo qui m’attend encore, je ne sais pas mais ses encouragements me flattent de si bon matin, après tout c’est la première personne à qui je parle. En privilégiant les détours sur le trajet du retour, je parviens à 45mn de vélo, la fameuse séance qui m’avait manquée la semaine dernière mais qui n’était plus du tout au programme du jour. Le lendemain, ma montre m’indique à l’issue de la séance de fractionné court que j’ai battu un nouveau record de VO2 max, j’en attribue le mérite au week-end chorale dont je sens les bienfaits en ce début de semaine, je continue à chanter à tue-tête Brassens et Over the Rainbow en pédalant parmi les décorations de Noël éclairées dans la capitale rien que pour moi avant 7h. Je reprends la direction de la piscine à vélo mercredi matin et je nage un peu plus de 1800m, avant le premier footing pendant la pause déjeuner, je fais le tour de mes deux stades de 400m, je ne l’avais pas fait depuis que le pass est demandé, depuis les confinements, depuis longtemps. Mon deuxième triathlon maison de la semaine est fait, 2500m natation, 20km vélo, 7km course. A peine l’idée selon laquelle cet hiver semble être le plus doux à passer depuis belle lurette traverse-t-elle mon esprit, en même temps les années précédentes ont été plutôt assez atroces, que je me rends compte de mon erreur puisque l’hiver n’est pas même encore advenu, illusion ! Le sportif amateur est le nouveau poète, qui parle de la pluie et du beau temps en tout lieu toute heure, les jours rallongeront à partir du mardi 21 décembre à 16h57, solstice d’hiver, ivresse.

Nadège Night and Day #3

Je n’ai aucune envie d’aller courir, encore moins dans la boue, mais pas le temps de réfléchir, elle m’offre ma première frontale et je ris de me trouver aussi stupide avec ce bonnet sur la tête. Le départ est donné à 18h tapantes et le trajet mène à la forêt via une montée rapidement avalée par laquelle nous quittons la ville pour plonger dans une boue grasse et copieusement salissante, je n’ai toujours pas couru après 3km, je ne sais pas par quel miracle je tiens debout, je patine. Pas elle, qui s’est élancée dès le départ dans le peloton de tête à l’assaut d’une forêt qui semble n’avoir aucun secret pour elle, je ne l’aperçois bientôt plus devant et je reconnais ce sentiment, l’admiration pour quelque chose que je ne saurais pas faire, ni aussi bien et surtout pas du tout, plus je l’imagine progresser et moins je ressens le besoin de continuer moi à faire semblant, j’enjambe d’un coup un buisson pour cesser de patiner, je n’y avais pas réfléchi, c’est déjà fait. Nous nous retrouvons, ma frontale mon sens de l’orientation et moi-même, en pleine forêt, derrière moi j’entends encore les cris et jurons d’un troupeau de coureurs en pleine débâcle, face à moi le fuseau lumineux que j’oriente comme je peux pour me frayer un chemin vers une lisière dont je ne sais ni elle se trouve ni à quoi je pourrais la repérer, j’entends une petite voix intérieure en train de commenter cette aventure saugrenue à quelques kilomètres seulement de la ville, oui mais dans quelle direction maintenant, c’est le silence et je souffle de soulagement. Bientôt, le temps tout de même d’avoir envisager de déterrer un ou deux sapins pour les décorer devant le poêle en rentrant si jamais j’avais la chance de rentrer un jour, j’entends des voitures, la civilisation n’est donc plus si loin et avec elle une ligne d’arrivée où je vais pouvoir l’accueillir, il ne manquerait plus que j’arrive après elle en lui racontant mon faux raccourci dans la nuit et je n’aurais plus aucune chance de décorer aucun sapin ni de profiter du poêle, tout le temps de mon escapade improvisée sous une lune plutôt discrète ce soir-là, je pense à son arrivée et au récit que je lui ferai de sa proposition à la rejoindre au départ de cette course. Une fois, je me suis perdue dans la forêt chez ma grand-mère, située à quelques centaines de mètres, nous étions sorties à plusieurs kilomètres de là totalement excitées parce que se perdre dans la forêt est un fantasme d’enfant, inconscientes de l’inquiétude des adultes à notre sujet. Soudain, un sentier me mène à une départementale, guidée par le bruit des voitures j’ai le choix de prendre sur ma gauche ou sur ma droite, c’est drôle parce que sur le trajet dans la voiture elle m’avait précisément dit qu’il n’était pas possible de faire le chemin à pied, tu m’étonnes, me voici donc en train de prendre sur ma gauche le virage qui mène espérons-le à Penchard. Une ou deux voitures nous doublent, ma frontale mon sens de l’orientation et moi-même, sans que je ne suscite plus d’inquiétude que cela, je pourrais tout aussi bien être à la recherche de mon renard ou d’une biche par cette belle nuit sans étoile, au loin je distingue le panneau qui indique que la route sort de Penchard, je suis sauvée et je me presse pour retourner sur la place, on annonce le premier coureur sous l’arche d’ici une dizaine de minutes, je n’ai plus qu’à l’attendre parmi les autres spectateurs en train de se réchauffer autour de la soupe faite maison.

Comment je ne suis pas (encore) devenue championne olympique de marathon #14

C’est elle aussi qui a insisté pour que j’ajoute (encore) dans le titre parce qu’elle croit en moi. J’aurais tout aussi bien pu titrer « Comment j’ai (enfin) rencontré ma coureuse du canal au bord de la Marne », sauf que cela s’est aussi peu fait que de remporter un dossard contre Kipchoge. Et je me refais le film tout autant pour savoir comment j’ai pu éviter, voire tout faire pour éviter sciemment un événement pareil sans savoir que je passais à côté d’une réelle occasion unique, la chance de courir le marathon des JO à Paris 2024, la rencontre d’une personne merveilleuse. Pour le dossard de la course pour tous sur laquelle je devais prendre le départ dans le sas le plus lent, encore une fois je me suis vue piétiner sur place, frustrée, sans pouvoir courir vraiment sur ce trajet qui plus est assez court, la distance que je ne dépassais guère il y a encore un an lorsque ma faiblesse au bassin m’avait à nouveau bloquée, j’ai privilégié une vraie sortie le dimanche. Si j’avais su qu’il était si facile de s’inscrire pour le marathon en partant 19mn avant le champion, avec la possibilité de doubler les meneurs d’allure, alors bien sûr j’aurais attendu et fait moi aussi tout le tour du pâté de maison en haut des Champs-Elysées sous la pluie au lieu de rentrer chez moi pour regarder un film en échangeant des messages au chaud, pour autant cet évitement m’a permis de me positionner sérieusement sur mes propres objectifs de triathlon. Si j’avais su que le jour du 10km de Joinville, quelques mois seulement avant la crise sanitaire, pour une raison qui reste obscure, je l’intimidais et que pour cette raison elle n’avait pas osé me solliciter davantage, j’aurais fait le pas moi-même pour connaître son allure et courir avec elle. Comme moi, elle s’était inscrite sur cette course au parcours soit-disant plat le long de la Marne, sauf que de ce décor bucolique nous n’avons rien vu sinon des faux-plats insupportables par une chaleur accablante en ce mois de septembre, deux boucles de 5km pour finir, sans intérêt. Je ne me souviens plus si elle venue me demander à quelle allure je comptais courir ce 10km ou si, comme dans ses souvenirs, une autre coureuse lui a donné une information totalement fausse sur mes performances, la dissuadant de toute approche, toujours est-il que de mon côté j’avais fait la fête la veille et ne me sentais absolument pas en forme pour battre un record. Ainsi, dans mon souvenir, au moment où elle vient me voir, j’ai surtout peur de ne pas être à la hauteur et ne pas la suivre dans son propre objectif d’établir un nouveau record sur un 10km. Elle se souvient de m’avoir félicitée ensuite, je n’étais pas contente de moi, je ne le suis jamais. Pourquoi n’avoir pas donné une chance à cette rencontre, surtout en ce jour où je ne me donnais aucune chance de courir convenablement cette course, l’enjeu était ailleurs et je ne l’ai pas saisi, l’occasion ne s’est plus présentée ensuite, je n’ai pas fait sa connaissance, je l’ai souvent revue. Je me souviens d’un dîner où je note sa discrétion et son éducation, ses jolies manières qui construisent des affinités sur des codes communs, dont on aimerait certes se défaire mais qui en attendant nous rassurent et nous permettent de reconnaître l’autre comme l’un des nôtres. Lors d’une soirée, je reste à parler avec elle et d’autres, je me surprends à vouloir rester encore. J’ai tendance à m’attacher à ces personnes avec qui je peux rester des heures à parler, captivée, j’ai dû savoir sans le savoir qu’avec elle les échanges avaient toutes les chances de se prolonger.