Il faut plus d’une fois cultiver l’obsession #167

la pâleur de l’espoir résume en un rayon 
la naissance d’une lumière 
disparue le jour même
sachez par obsession 
osciller comme je fais
amertume et verdure assaisonnés d’orgueil 
la lourdeur de l’orange 
et le vert défaillant 
m’ouvrent leur nuancier
claire est mon intention 
qu’ils parlent d’elle encore de paille et d’ailes et d’or

Photo : Henri Matisse, Lithographie, 1945.

Il faut plus d’une fois se passer de tout mot #166

au-delà de tout nombre plus grand 
que le plus loin 
la puissance infinie de nos 
imaginaires 
dans nos doux ciels cinglés nous donne 
le droit du fou 
celui de tout nommer jusqu’à 
inventer ça
un mot mis sur ce que l’œil nu
ne voit même pas  
au comble de l’excitation
je définis 
le plus par toi multiplié
comme la joie
qu’aucun mot ne pourrait décrire 
sinon l’amour

Photo : Marc Chagall, « Hommage à Gogol », 1917.

Il faut plus d’une fois accepter la folie #165

le génie part en songe 
la lumière se fait or 
un peu de miel solaire 
butiné sur milles fleurs 
d’alchimie éperdue 
de folie infinie 
quand une seule couleur 
résume la vie d’un homme 
c’est son cœur et sa vie 
contemplés en un ciel 
qui s’enflamme et grossit 
pour se défaire du monde 

Photo : Vincent Van Gogh, « Champ de blé avec un faucheur et soleil », 1889.

Il faut plus d’une fois pour t’ouvrir le chemin #112

je rêve de juin brûlant l’élan enflamme la main 
je t’ouvre la porte d’un lendemain impatient
tu incendies les secondes de ton camaïeux 
d’idées furieuses c’est ton rire son rythme m’inspire 
quelle étonnante vitalité nous fait danser 
depuis que ton regard par un soir de hasard
a embrasé dans mon quartier tout ce silence 
qui te savait tout près et déjà fou de toi

Photo : David Hockney, “Early June tunnel”, 2006.

Il faut plus d’une fois pour t’aimer tant de fois #82

par amour l’espoir s’est déshabillé 
mis à nu 
il te ressemble l’attente 
c’était toi 
au-delà de tout désir
je suis ton corps ancré dans le mien 
tu me réveilles 
je te vois tu nous regardes
leur parler des lunes mille fois retournées 
bercer le ventre 
alangui de la nuit
assoupies à parler et délier  
nos bras chargés d’espérance assouvie
de soif enflammée
d'un feu assoiffé

Photo : Jean-Michel Basquiat par Tseng Kwong Chi, 1987.

Il faut plus d’une fois pour un conte de fée #38

je compose
et fais avec 
les dispositions 
ces petits riens du tout
une aptitude déguisée
un grave penchant pour la langue 
ces petits riens qui deviennent tout
le jeu m’éclipse et s’observe alors 
un assemblage d’habitudes balbutiantes 
dont bien sûr je n’ai pas la combinaison
le tout n’est pas de trouver la bonne mais 
sa place
dans ce qui se met en œuvre sans s’accorder
sur rien sinon à me décomposer 
c’est souvent l’autre en moi 
qui gagne
il ne sait se raisonner
ni ne veut m’écouter
je devrais faire sans
mes obsessions
j’y tiens tant

Photo : Joan Miro, « Le cheval, la pipe et la fleur rouge », 1920.

Il faut plus d’une fois pour un conte de fée #17

ils se croyaient tous rois ils jouaient tous aux fous 
ils avaient eu si peur qu’ils prenaient du plaisir  
on se distrait d’un rien 
c’est l’abondance d’un coup
la vie tient à un fil on en fait des paillettes
et l’euphorie devient nouvelle tyrannie
la joie était trop grande 
comme l’est la nostalgie

Photo : Francis Picabia, « Portrait de Mistinguett », 1907.

Son île à elle, ses ailes à lui #60

comme si ton cœur d’ultra coureuse ne s’était pas non plus entraîné 
rien que pour la course à pied
quel remue-ménage de costumes et de décors en cette arrière-saison 
d’ordinaire si discrète 
les palmiers s’agitent sur la promenade comme s’ils patinaient à roulette
c’est la surprise
le soleil s’essaie à l’orange pour varier des citrons le cocktail plaît aux yeux
sur les terrasses
et la fièvre a gagné les galets qui repensent la géométrie d’une arène où
je m’assieds
le rideau est levé et le calme revient si dans l’univers mes pensées convergent
vers toi

Photo : Fernand Léger, Gouache pour « Skating-Rink », 1920.

Son île à elle, ses ailes à lui #50

tu as inventé la folie de cet amour
promettant d’être là demain 
et pour toujours
dans cet ici 
qui est attente
j’ai élargi le maintenant 
pour qu’il maintienne notre horizon
à hauteur de nos libertés j’ai pris la mienne
en m’inventant sous ton regard en m’invitant
dans le hasard je l’ai brusqué comme pour prouver
que tout est vrai l’ivresse de vivre à la folie 
sans savoir si l’on y survit si c’était vrai
serait-ce encore de l’amour fou
ou son envie quelle fantaisie 
de vivre une œuvre 
sans savoir 
si l’on est en vie 
encore ou déjà trop fou

Photo : Marc Chagall, « Autoportrait en vert », 1914.

Son île à elle, ses ailes à lui #41

les dieux peuvent s’acharner j’ai plus de rituels
que les vents la marée le coucher du soleil
et jamais mon esprit n’évite une obsession
il devient au bon gré le terrain d’expression
d’une troublante fantaisie un délire cohérent
pour souffler dans ma voile 
longitudes grand format 
sous l’angle compulsif 
la terre est un frisson 
une vibration motrice suffit à renverser
tous les régimes en place et déséquilibrés
la mer bleuâtre est en état de choc souvent
quand sa vision m’ébranle et qu’aucun mot ne sort
c’est tout mon corps qui tremble et mon cœur qui s’écrie

Photo : Mark Rothko, « N°46, Noir, ocre, rouge sur rouge », 1957.